mercredi 30 mars 2011

Salon de l’Art Fantastique Européen (SAFE) 2011

Affiche du salon 2011
Suite à la fondation du mouvement des « Héritiers de Dali » en juin 2004 à Lyon, les Thermes du Mont-Dore accueille l’Art Fantastique Européen. Dans cette station auvergnate engoncée dans ses montagnes veloutées de neige, des peintres réputés originaires de toute l’Europe ont présenté des toiles inédites consacrées à un thème donné. Le fac-similé du « Livre de l’Apocalypse » constitue le pivot de cette manifestation de très haut niveau artistique. 

Douze artistes, qui ont exposé leurs œuvres sur le salon : Siegfried Zademack - invité d'honneur (D), Angerer der Aeltere (D), Michel Barthelemy (B), Alain Bazard (F), Gilles Chambon (F), Marc Desmullier (F), Monica Fagan (GB), David Lefebvre (F), Christian Lepere (F), Michael Maschka (D), Fabrizio Riccardi (I), Olga Vichneva (RUS).

Salon de l'Art Fantastique Européen
du 12 février au 12 mars 2011
Thermes du Mont-Dore - 1 Place du Panthéon
63240 - Le Mont-Dore

Monica Fagan
C’était la seconde fois que Monica Fagan présentait ses œuvres. Cette peintre est une figure emblématique de la peinture fantastique d’inspiration surréaliste. Dans cet univers qui lui est tout à fait particulier, on retrouve parfois des thèmes chers à Dali ou Magritte.

D'origine irlandaise par son père, Monica Fagan est née en Angleterre, dans une région du Yorkshire. Boursière de la ville de  Sheffield, elle vient en France à l'âge de 18 ans pour suivre des cours de dessin et de peinture à l'école des Beaux-Arts de Rennes.

Site internet de Monica Fagan



Les antipodes - Monica Fagan - Huile et feuille d'or sur bois (100 cm x 65 cm)

"Le symbolique interfère dans cet imaginaire où la pureté et l’eau, la nudité et le marbre, les drapés et les damiers effectuent d’étranges mariages, de subtiles symbioses que le pinceau traduit avec une assurance résolue, conscient même de servir de support à une œuvre lentement mûrie qui va son chemin, sans hâte ni pillage, porteuse dans la continuité plastique et imaginative, des germes de ses prochaines métamorphoses."
Bertrand Duplessis « Connaissance des Hommes »


Sa peinture, à travers une solide technique fine et précise, fait transparaître un monde onirique troublant peuplé par un bestiaire mythologique, des femmes mystérieuses et masquées qui évoluent entre les symboles telles des déesses romantiques. Ces femmes ne sont pas sans rappeler les prémonitions paranoïaques-critiques de Dali, qui tend à démontrer que dans un monde différent, à la fois proche et inespéré, la femme sera l’avenir de l’homme.

Ces femmes costumées présentées par Monica Fagan sont l’incarnation romantique d’une mise en scène  d’une énigmatique comédie humaine. Les penchants obsessionnels pour ces femmes-mannequins évoquent l’opéra, monde dans lequel Monica Fagan est très impliquée. Ses créations sont très reconnues sur la scène lyrique parisienne. Les décors et les costumes des « Noces de Figaro » et de « Cosi fan tutte » de Mozart, réalisées en 1997 et 1999 pour l’association « A l’Opéra » constituent une référence.

Une salle d’exposition permanente au Château de Ferrières en Seine et Marne lui est réservée depuis 1994. On peut également contempler ses toiles dans les musées de Melun et Fontainebleau.


La date fatidique - Monica Fagan - Triptyque huile sur bois (195 cm x 100 cm)

"Monica Fagan peint depuis sa naissance, et peut-être depuis plus longtemps encore. Elle peint depuis avant sa naissance. Le monde qu'elle nous offre en est la preuve, car elle ne peint que ce qu'elle a été. "  Je ne peux peindre sans avoir été ce que je peins " nous dit-elle. Monica Fagan est donc de ce monde d’ailleurs. Elle ne sait pas pourquoi elle peint mais elle sait qu’elle ne peint pas pour séduire. Elle peint pour se dire. Pour nous dire son ailleurs. Elle peint pour annoncer son monde, sûre d'elle, élue, lumineuse, habitée.
 
Sa peinture doit alors être sûre, précise et précieuse, fine et structurée, écrite. Sa peinture est une écriture. Pour dire. Pour mettre en scène ses musiques intérieures, ses musiques d'ailleurs. La technique irréprochable, de la sous-couche aux vernis, soutient le propos comme une grammaire soutient le vocabulaire. Nous sommes ici devant un langage peint.
 
Son imagerie onirique et son bestiaire incongru forment des paraboles qui sont autant de clefs de lecture pour comprendre le monde qu'elle veut nous dire. Et le symbolisme surréaliste pointilleux et obsessionnel est le langage précis et précieux d'accès à ce monde. Symbolisme parfois drolatique ou théâtral, souvent énigmatique, toujours pour mettre en scène la lumière. Mais elle doit nous faire entrer dans son monde par sa peinture-langage et elle utilise pour cela des subterfuges qui sont autant d'invitations : lumières-brouillards en contre-jour, dallages-en fuite qui s'avancent; femmes-voiles qui nous échappent, eaux-reflets qui nous assoiffent. Maniérisme ? Cette peinture-écriture est un chemin " ad luminem " .  Alors, si nous mettons le pied sur ce chemin, Monica Fagan nous guide vers ses eaux, symbolique de l'accomplissement, dans des décors où l'ombre sert la lumière.
 
Nous devrons laisser nos masques sur le rivage, à la frange des eaux qui meurent aux confins des chemins de dallage. Mais nous ne sommes pas seuls. La toile est habitée : ici, bustes obsessionnels et parfaits de femmes-mannequins qui nous attendent, promesse d'une sexualité chaste, romantisme débridé ; ici encore, débris de pierre, ruines de nous-mêmes, abandon obligatoire pour accéder au monde " faganien " ; ici  les formes et les objets s'humanisent, les pierres prennent corps ; là, au contraire, les corps se pétrifient ; ici,  l'arbre est chaussé d'un soulier, le violoncelle se fait femme ; là au contraire la femme devient arbre-mannequin. Monica Fagan nous dit une vie entre deux états, un passage entre matière et lumière. Ce passage obligé  se fera par l’eau, vraisemblable état intermédiaire : eau-écume absorbant la grève dallée, en plan incliné doux, peinte comme les miniatures de Jaïpur, au pinceau à un poil et à la loupe ; eau-source absorbant les parties basses des corps ; eau-réceptacle sans pareil de la lumière des cieux, immobile, lisse. 
Un monde de pureté. Car l'eau est symbole de pureté,  car le monde que Monica Fagan a visité pour nous, avant nous, est pur. Les licornes sont preuve-invitation malicieuse à cette pureté. Symbolisant la révélation divine, la licorne signe la pénétration du divin dans la créature. Sexualité chaste et pureté agissante. Initiation. Mais rien n’est donné. Voiles, brumes, masques et brouillards nous ramènent sans cesse  au doute : la vérité est insaisissable, comme un clin d'oeil . Le monde de Monica Fagan est celui d'une sublimation de la vie charnelle, lumières et ombres, à la fois sauvegarde de la virginité et fécondité.  Monde des contrastes et des contradictions, chair divinisée et invitante, monde dont les hommes sont apparemment et étrangement absents. Mais Monica Fagan ne peint que ce qu'elle a été ! Malicieuse...
 
Elle nous parle d’un monde qu’elle a connu et sa peinture est le témoignage qu'elle en rapporte. Les mots, même chantés, seraient inopérants. C’est donc un opéra de couleurs qu’elle nous propose comme décors de son message, de sa prophétie, car ce monde existe : il est un chant. Il est le chant à la lumière! La licorne le sait : son troisième œil relié au divin, symbole de l’alchimie spirituelle, est là pour nous le dire. Précisément et précieusement. Entrons dans ce monde qui n’attend plus que nous et laissons-nous guider. Les belles dames " faganiennes " nous invitent : sous leurs masques malicieux, elles ne sont pas la finalité de ce monde mais elles en sont les immaculées conceptrices. Les clefs.
Entrons..."

Vincent Bouton


Reportage SAFE 2011 - WebTv Vidéos Art sur moreeuw.com

vendredi 4 mars 2011

Philosopher, c’est apprendre à mourir

Je ne tenterais pas de définir la mort, en regard de la difficulté philosophique de l’exercice. En effet nous ne pouvons parler avec assurance que de la vie, n’ayant aucune expérience de la mort.

Selon Epicure, la crainte de la mort est inutile et infondée: « la mort n’existe pas tant que nous vivons et nous n’existons plus quand elle est là ». Il conclut qu’il faut jouir de son existence mortelle et non souffrir à l’avance pour une idée dont nous ne savons strictement rien.

La philosophie d’Epicure apparaît séduisante. Néanmoins, il occulte tout le côté affectif. Il n’évoque aucunement la fin de la vie, la possible déchéance… Par ailleurs, il semble oublier que c’est bien souvent la mort des autres, qui nous angoisse et nous fait souffrir.

L’Homme se distingue du reste des créatures vivantes en ce sens qu’il est capable de penser sa propre fin. Il ne peut la représenter, mais il parvient à se l’imaginer. C’est cette représentation consciente, comme une élaboration du mental qui est caractéristique du rapport de l'homme à la mort.
 
C’est dans cette perspective qu’Heidegger écrit « seul l’homme meurt, l’animal périt ».

François-Xavier Bichat, médecin et biologiste français du XIXème siècle définissait la mort comme suit : « la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort ». Il exprimait ainsi le fait que, de manière naturelle, la mort n'existe pas en tant qu'état soudain et instantané. C’est un long et lent processus avec bien des étapes qui font que l'on est chaque jour un peu moins vivant.


 
La mort fait partie du cycle de la vie
 
Le cycle des saisons est ponctué par quatre moments majeurs qui marquent l’entrée dans les saisons. Il y a d’une part les équinoxes - deux jours dans l’année à six mois d’intervalle où le jour est aussi long que la nuit et d’autre part les solstices - deux jours dans l’année à six mois d’intervalle où, pour le premier, le jour est le plus long de l’année, et pour le second, la nuit est la plus longue.

L'origine du symbole des saisons résulte de la division de l'année solaire par les équinoxes de printemps et d'automne et par les solstices d'été et d'hiver. La succession des saisons marque les rythmes de la nature et de la vie de l'homme.

Le printemps, la naissance.
L'été, la maturité.
L'automne, le déclin.
L'hiver, la mort, suivie à nouveau du printemps symbolisant la renaissance éternelle.

La mort en tant que manifestation de la vie

Ce que la mort abolit, la naissance le régénère, le temps le transforme. D’un côté, nous savons que tout meurt, simultanément, nous savons aussi que tout vit et renaît sans cesse.

S’il meurt des milliers d’hommes chaque jour, il naît aussi chaque jour des milliers d’enfants. Il faut envisager le processus global de la manifestation de la vie.

Schopenhauer écrit : « La plante et l’insecte meurent à la fin de l’été, l’animal et l’homme après un petit nombre d’années : la mort fauche sans relâche. Mais malgré cela, oui, comme s’il n’en n’était nullement ainsi, tout est toujours présent en son lieu et à sa place, comme si rien n’était périssable. En tout temps la plante verdit, l’insecte bourdonne, l’animal et l’homme subsistent dans leur indestructible jeunesse, et nous retrouvons chaque été les cerises déjà mille fois dégustées ».

Schopenhauer indique par-là que la vie maintient l’Idée du cerisier, l’Idée de la vigne, l’Idée du chêne, l’Idée de l’écureuil, l’Idée de l’homme. Il faut que les individus d’une espèce se succèdent pour que le processus immortel de la vie se continue de génération en génération.

Ce qui est immortel de ce point de vue, c’est l’espèce, c’est l’Idée et non l’individu qui est une manifestation temporaire de cette Idée.

Dès lors, la mort ne constitue pas une négation de la vie, mais le moment d’un processus par lequel elle se maintient dans la durée. De la graine à l’arbre, de l’arbre à la fleur de la fleur au fruit du fruit à la graine et ainsi de suite.

Vie et mort se succèdent comme nuit et jour, car les cycles de l’éternelle nature ne cessent par un seul instant. La vie est une puissance prodigieuse, et tant qu’elle demeure, le champ du possible reste ouvert.

Voilà une façon résolument optimiste de considérer l’affirmation de Nietzsche : « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »
 

L’idée de la mort nous apprend à vivre

Si l'image de la mort est aussi prégnante dans notre société, c’est qu’elle doit avoir des vertus éducatives.

Elle jette une lumière décisive sur la vie, en inspirant notre conduite et notre pensée. En effet, penser à la mort fait s’évanouir toutes les vanités humaines et laisse l'homme seul, face à lui-même, lui rappelant la courte durée de son existence humaine, et la nécessité d'utiliser à bon escient les instants de vie qui lui sont accordés.

La symbolique de la mort  peut être choquante pour l'intellect, mais réconfortante dans son intime compréhension. Elle ne promet pas l’immortalité, mais elle invite l'initié à s'éveiller à la vie véritable.

Cicéron a écrit « Philosopher, c’est apprendre à mourir ». Le sage stoïcien présente une certaine résignation face aux événements qui ne dépendent pas de lui, en particulier la mort.

La mort ne donne rien à penser, mais par elle, nous pouvons tout repenser.  Ce n’est pas tant la mort qui doit nous obséder, mais plutôt la  qualité que nous voulons donner à notre vie.