vendredi 27 mai 2011

Les bienfaiteurs de l'humanité - André Chénier (1762-1794)

Chassez de vos autels, juges vains et frivoles,
Ces héros conquérants, meurtrières idoles,
Tous ces grands noms, enfants des crimes, des malheurs,
De massacres fumant, teints de sang et de pleurs.
 
Venez tomber aux pieds de plus nobles images:
Voyez ces hommes saints, ces sublimes courages,
Héros dont les vertus, les travaux bienfaisants
Ont éclairé la terre et mérité l'encens ;

Qui, dépouillés d'eux même et vivant pour leurs frères,
Les ont soumis au frein des règles salutaires,
Au joug de leur bonheur; les ont faits citoyens;
En leur donnant des lois leur ont donné des biens,

Des forces, des parents, la liberté, la vie;
Enfin, qui d'un pays ont fait une patrie.
Et que de fois pourtant leurs frères envieux
Ont d'affronts insensés, de mépris odieux,

Accueilli les bienfaits de ces illustres guides
Comme dans leurs maisons ces animaux stupides,
Dont la dent méfiante ose outrager la main
Qui se tendait vers eux pour apaiser leur faim.

Mais n'importe; un grand homme, au milieu des supplices,
Goûte de la vertu les augustes délices.
Il le sait, les humains sont injustes, ingrats.
Que leurs yeux un moment ne le connaissent pas;

Qu'un jour entre eux et lui s'élève avec murmure
D'insectes ennemis une nuée obscure;
N'importe, il les instruit, il les aime pour eux:
Même ingrats, il est doux d'avoir fait des heureux.

Il sait que leur vertu, leur bonté, leur prudence,
Doit être son ouvrage et non sa récompense,
Et que leur repentir, pleurant sur son tombeau,
De ses soins, de sa vie est un prix assez beau.


Au loin dans l'avenir sa grande âme contemple
Les sages opprimés que soutient son exemple;
Des méchants dans soi-même il brave la noirceur:
C'est là qu'il sait les fuir; son asile est son cœur.

André Chénier, Hermès



André Chénier (1762-1794)
André Chénier (1762-1794), un des seuls véritables poètes qu'ait connu le XVIIIème siècle français, projetait de rédiger un grand œuvre en vers, qu'il aurait intitulé Hermès. 

Cette œuvre devait s'inspirer de la somme de Lucrèce, le "De Natura Rerum" ; elle aurait été un nouveau chant matérialiste et panthéiste, porté cette fois par l'esprit des Lumières. 

Mais l'échafaud en a décidé autrement, qui a abrégé la vie de Chénier à 31 ans, et l'a poussé finalement à écrire ses meilleurs poèmes dans l'urgence de la mort.

Hermès aurait commencé par une puissante évocation de la terre. Voici les notes d'André Chénier:

"Il faut magnifiquement représenter la terre sous l'emblême métaphorique d'un grand animal qui vit, se meut, et est sujet à des changements, des révolutions, des fièvres, des dérangements dans la circulation de son sang.

Il faut finir le chant Ier par une magnifique description de toutes les espèces animales et végétales naissant ; et, au printemps, la terre prægnans ; et, dans les chaleurs de l'été, toutes les espèces animales et végétales se livrant aux feux de l'amour.

Que la terre est nubile et brûle d'être mère.
"

samedi 21 mai 2011

Le Mont-Saint-Michel, Basse Normandie, Manche (50)

Le Mont-Saint-Michel est une commune française située dans le département de la Manche et la région Basse-Normandie qui tire son nom d’un îlot rocheux dédié à Saint Michel où s’élève aujourd’hui l’abbaye du Mont-Saint-Michel.

L’architecture du Mont-Saint-Michel et sa baie en font le site touristique le plus fréquenté de Normandie et le deuxième de France. Une statue de Saint Michel placée au sommet de l’église abbatiale culmine à 170 mètres au-dessus du rivage. La commune et la baie figurent depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le Mont-Saint-Michel


Les dates importantes de sa construction

* VIIIème siècle: Grotte de Saint Aubert. Il ne reste qu'un pan de mur visible dans Notre Dame Sous Terre.

* Xème siècle: Eglise carolingienne Notre Dame Sous Terre.
* XIème siècle: L'Eglise Abbatiale - Les chapelles Saint Martin et Notre Dame des Trente Cierges.
* XIIème siècle: L'Aquilon, le promenoir des moines et le dortoir qui composent un seul bâtiment.
* XIIIème siècle: La Merveille - La tour du Nord - La salle des gardes - Les logis abbatiaux.
* XIVème siècle: Le grand Degré Extérieur - Le Châtelet - Une partie du mur d'enceinte.
* XVème siècle: Le Chœur de l'Abbatiale - La chapelle des Gros-Piliers.
* XVIème siècle: Les portes de l'Avancée et du Boulevard - La tour Gabriel - La citerne de l'Aumônerie - Fin des travaux du Chœur de l'Abbatiale.
* XVIIème - 18ème siècles: Façade de l'Abbatiale - Tour Basse.
* IXXème siècle: Clocher et flèche de l'Abbatiale - Construction de la digue route.
* XXème siècle: Reconstruction à l'identique de maisons dans la ville.
* XXIème siècle: Suppression de la digue route pour le rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel.

Le Mont-Saint-Michel


L'histoire du Mont Saint-Michel commence par une légende

Archange Gabriel
Au début du VIIIème siècle, en 708, Aubert, évêque d'Avranches, suite à une apparition de l'archange Saint-Michel reçoit l'ordre de construire un édifice dans lequel seraient loués les mérites de l'archange. Le pauvre évêque croyant devenir fou n'ose rien faire et décide d'attendre.

Une seconde fois, l'archange lui apparaît, et Aubert doute toujours. Mais à la troisième apparition de l'archange plus aucun doute ne subsiste à l'esprit de l'évêque, car Saint-Michel, furieux de ne point avoir été écouté laisse à Aubert une preuve de son pouvoir: dans le crâne de l'évêque apparaît un trou circulaire. Mais l'évêque ne doit pas trop en souffrir car il ne mourra que des années plus tard. 

Aujourd'hui le crâne d'Aubert est conservé dans la basilique d'Avranches. Cette histoire est-elle vrai ou fausse? Personne ne peut apporter la preuve qui fera pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Quoi qu'il en soit, l'évêque certain que ces visions n'étaient pas à mettre sur le compte de la folie, entreprend les travaux commandés par l'archange. Il fait construire un petit oratoire en forme de grotte pouvant contenir une centaine de personnes. Il ne reste rien de cette construction sauf un mur visible dans l'une des salles de l'abbaye (Notre Dame sous terre).

Pendant deux siècles des chanoines accueilleront les pèlerins mais au fil du temps ils délaisseront leur mission. Las de cette situation, le duc de Normandie, Richard 1er, décide de remplacer les chanoines par des moines bénédictins venus de l'abbaye de Saint-Wandrille. Cela se passe en 966, c'est cette année qui est retenue comme celle de la fondation de l'abbaye. Les bénédictins sont de grands bâtisseurs. Ils font construire une église et quelques bâtiments. Les pèlerins affluent de plus en plus nombreux et la renommée du Mont Saint-Michel ne tarde pas à être connue dans tout le royaume. 

Abbaye du Mont-Saint-Michel
 
Par temps de brouillard, de nombreux pèlerins se perdent sur les grèves et périssent noyés. De plus, les lises, sortes de sables mouvants, ensevelissent les imprudents qui s'aventurent dans la baie sans l'aide d'un guide. 

Au pied de l'abbaye, une petite ville se construit. Les maisons pour la plupart en bois servent à accueillir les pèlerins. Au sommet du rocher, les moines quant à eux, ne perdent pas leur temps, grâce à de nombreux dons, ils bâtissent une vaste église et plusieurs bâtiments annexes: un réfectoire, un dortoir, une salle de travail, un promenoir, une aumônerie (lieu où les pauvres sont reçus et reçoivent l'aumône qui consiste souvent en un léger repas).

Rue du Mont-Saint-Michel
Quand le duc de Normandie Guillaume le Conquérant décide d'envahir l'Angleterre, il demande son aide à l'abbé du Mont. Celui-ci fait armer quatre bateaux. Après la victoire d'Hastings, Guillaume en signe de reconnaissance fera don de plusieurs territoires anglais à l'abbaye. 

En un siècle, l'abbaye s'est considérablement enrichie et agrandie. Mais en ce début de XIIème siècles, les malheurs vont se succéder. En 1103 le côté nord de la nef de l'église s'effondre. Dix ans plus tard un incendie se déclare dans une maison de la ville. Le feu se propage de maison en maison et finit par atteindre l'abbaye. Moins de vingt ans après cette catastrophe, un nouvel incendie enflamme l'abbaye. Cette fois s'en est trop pour les moines qui se relâchent et ne font plus sérieusement leur office.

Pourtant un homme parvient à lui seul à redonner à l'abbaye son éclat antérieur: Robert de Thorigny, élu abbé en 1154. Diplomate, il parvient à réconcilier le roi de France avec le duc de Normandie. Erudit, il acquiert un nombre important de livres (les livres à cette époque ont beaucoup de valeur) et en écrit quelques-uns. Bâtisseur, il fait construire plusieurs bâtiments dont une plus vaste aumônerie pour accueillir plus de pèlerins. A sa mort l'abbé Robert de Thorigny laisse une abbaye plus puissante, plus riche et totalement revitalisée au niveau spirituel. Dès le début du XIIIème siècle, le duc de Normandie et le roi de France entrent en guerre. Les Bretons alliés pour l'occasion au roi de France montent une armée et marchent vers le Mont qu'ils enflamment. En 1204 la Normandie est rattachée au royaume de France.

Le roi de France Philippe-Auguste, pour dédommager le monastère du préjudice causé par les Bretons, alloue une forte somme d'argent à l'abbaye. Cet argent est immédiatement investi dans la construction de la Merveille. La construction de ce bâtiment sur un terrain aussi peu propice (le terrain est en pente) est un véritable tour de force.

Mont-Saint-Michel - Cloître de l'Abbaye
En 1228 le cloître, sommet de l'édifice, est achevé. Très peu d'événements viendront marquer le reste du XIIIème siècle, les abbés se succèdent, tous apportent leur marque dans la construction du Mont: pour remplacer l'ancienne palissade en bois, des tours et des remparts sont construits, les logis abbatiaux sont également bâtis durant cette période. 

Au début du XIVème siècle commence la guerre dite de Cent Ans. L'abbaye perd la totalité de ses revenus provenant de ses prieurés Anglais. En 1356, les Anglais s'emparent de Tombelaine et prennent pour cible le Mont Saint-Michel. Le chevalier Du Guesclin est nommé chef de la garnison du Mont. A la tête de ses troupes il remporte victoire sur victoire et éloigne pour plusieurs années la menace Anglaise. Pierre le Roy est élu abbé en 1386, conscient du danger que représentent les Anglais, il décide de construire de nouvelles défenses pour l'entrée de l'abbaye. La tour Perrine, la tour des Corbins et plus particulièrement le Châtelet donne à l'entrée du monastère une défense infranchissable.

Les Anglais après une période de répit reprennent l'offensive et, après la défaite du roi de France à Azincourt, plus rien ne semble pouvoir les arrêter. Robert Jolivet le nouvel abbé, organise, grâce à de nombreux impôts, la construction des remparts afin de protéger la ville qui devient elle-même une protection pour l'abbaye.

Mont-Saint-Michel, remparts de l'Eglise dominant la baie

En homme prévoyant, il fait construire une citerne pour alimenter en eau douce les moines, les soldats et les habitants du Mont. Quand Rouen, capitale de la Normandie tombe aux mains des Anglais, toute la région sauf le Mont Saint-Michel est occupée par les Anglais. Devant tant de puissance, l'abbé Robert Jolivet abandonne son monastère et propose ses services au roi d'Angleterre. En 1424, les Anglais assiègent le Mont, mais l'aide de l'abbé est inutile. Il a si bien conçu le système défensif de la ville que rien ne parvient à l'ébranler. Les Montois (nom donné aux habitants du Mont) parviennent même par quelques attaques éclairs à décourager les Anglais. En 1425, après avoir subi une défaite plus cuisante que les autres, les Anglais se replient.

Après cette victoire, malgré les menaces qui pèsent toujours sur la région, les pèlerins affluent au Mont pour rendre hommage a l'ultime défenseur du royaume: l'archange Saint-Michel. En 1433, un incendie ravage une partie de la ville, les Anglais voulant profiter de cette occasion regroupent leur armée et préparent l'attaque. En 1434, les Anglais se ruent sur le Mont Saint-Michel, une bataille sanglante s'en suit. Les Anglais parviennent à faire une brèche dans le rempart et pénètrent dans la ville en criant déjà victoire. Le capitaine du Mont réorganise ses troupes et contre-attaque si puissamment que les Anglais prennent la fuite en abandonnant deux bombardes. La victoire des troupes Montoises redonne confiance aux armées françaises et, sur tout le territoire, les Anglais reculent. La bataille de Formigny, en 1450 apportera finalement la paix à la Normandie.

Mont-Saint-Michel, L'Eglise

Louis XI institua l'ordre des Chevaliers de Saint-Michel. Ce roi très pieux se rendit quatre fois au Mont. Lors de son dernier passage, il demanda l'installation de la cage de fer. Le Mont Saint-Michel devient ainsi une prison. A partir de 1523, les moines n'élisent plus leur chef. C'est le roi en personne qui désigne le nouvel abbé: cela s'appelle la commende. Généralement, cet abbé n'est pas un ecclésiastique, et il se fait souvent nommer pour profiter des revenus de l'abbaye. Les moines, à partir de cette date ne trouvent plus de motivation dans leur vie spirituelle et bien que les pèlerins soient toujours aussi nombreux ils délaissent l'abbaye. Les moines qui furent jusqu'à soixante sous la prélature de Robert de Thorigny ne sont plus que treize en 1580.

En 1591, la menace effrayante de la guerre de religion se rapproche du Mont Saint-Michel. Les protestants veulent prendre l'abbaye. Sous les ordres de Montgomery, un groupe d'hommes se rapproche de nuit, jusqu'au pied de l'abbaye. Là, pensant obtenir l'aide d'un soldat ennemi acheté quelques jours auparavant, ils attendent que celui-ci les hissent à l'intérieur de l'édifice. Et, de fait, les protestants se retrouvent bientôt à plus de quatre-vingts dans le monastère. Montgomery, étonné de n'entendre aucun bruit de bataille à l'intérieur demande à l'un de ses plus fidèles soldats de monter. Arrivé dans le cellier, ne voyant aucun des siens, il comprend le stratagème et hurle pour prévenir son chef "Trahison, Trahison!" Entendant cela les protestants s'enfuirent laissant derrière eux quatre-vingt-dix huit des leurs.

Statue de Saint Michel couronnant la flèche de l'Abbaye

En 1594, la foudre tombe de nouveau sur le clocher de l'abbaye. La flèche est complètement détruite et une partie de la charpente de l'église est réduite en cendres. L'abbé refuse de faire entreprendre les réparations, ce n'est que quinze ans plus tard que le clocher est reconstruit. Les abbés qui se désintéressent de leur abbaye, les pèlerins qui viennent moins nombreux, et la lassitude des moines sont les causes d'un grand bouleversement au Mont.

En 1622, les moines sont remplacés par neuf moines Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur (des Mauristes). Ces religieux, sont extrêmement cultivés. Désirant faire partager leur savoir, ils ouvrent une école où une dizaine d'élèves suivent des cours. Malheureusement les Mauristes sont de piètres bâtisseurs. Au lieu de réparer les trois travées de la nef de l'église qui menaçaient de s'effondrer, ils les démolissent. A la place du trou laissé ils construisent une façade d'un style plutôt laid.

Mont-Saint-Michel - Cloître de l'Abbaye

L'élan apporté par les Mauristes sera de courte durée car le système de la commende ruine l'abbaye. Les revenus du monastère s'effondrent et les moines s'endettent. La précarité de l'abbaye est grande, la Révolution achève sa ruine. En 1790, les moines sont chassés de l'abbaye. Tous les biens sont vendus en 1792. Avec la Révolution, le Mont Saint-Michel devient une véritable prison.

A partir de 1792, trois cents prêtres sont enfermés dans les murs de l'abbaye. Ils seront libérés en 1799. A leurs suites seront internés des forçats. Toutes les salles de l'abbaye sont transformées en ateliers. Les prisonniers seront jusqu'à sept cents à travailler dans ces pièces, aussi pour augmenter la surface utilisable, un plancher sépare l'église abbatiale. L'administration pénitentiaire délaisse totalement l'entretien des bâtiments et en 1817, l'ancienne hôtellerie, bâtie durant le règne de Robert de Thorigny, s'effondre.
   
En 1834, un incendie se déclare dans l'église abbatiale transformée en atelier à chapeaux. La toiture est détruite et les travaux de réparations sont trop modestes par rapport à l'ampleur des dégâts. Chaque jour l'abbaye s'enlaidit un peu plus. Heureusement des hommes célèbres, principalement des écrivains (Hugo, Flaubert... ), affligés par un tel désastre, font pression sur le gouvernement. Enfin, en 1863, la prison est supprimée. L'abbaye est louée à l'évêque de Coutances. Des moines habitent de nouveau l'abbaye. Les pèlerins reviennent animer le Mont Saint-Michel. Les hôtels, restaurants et magasins de souvenirs ouvrent de nouveau leurs portes à des visiteurs de plus en plus nombreux.
   
L'abbaye qui menace ruine de toute part est classée au registre des monuments historiques en 1874. Les moines sont de nouveau expulsés. L'architecte Edouard Corroyer est nommé pour entreprendre les travaux de restauration qui donnent au Mont Saint-Michel son apparence actuelle quand en 1898 la flèche est achevée. Lors de la célébration du millénaire du Mont en 1966, des moines ont formé une petite communauté. Installés dans les logis abbatiaux, ils demeurent depuis à l'année sur l'îlot. La ville quant à elle accueille un flot constant de visiteurs, 3 millions par an, et c'est aussi un peu grâce à cela que le Mont Saint-Michel est aujourd'hui ce qu'il est.

Mont-Saint-Michel


Situé sur le côté nord du rocher, dominant le petit bois, le monastère gothique, plus connu sous le nom de Merveille, renferme six salles. Construit à partir de 1204 sur des fondations plus anciennes, il sera achevé en 1228.

Accolé à l'église, au dernier étage de la Merveille, se trouve le cloître. Magnifique jardin suspendu entre ciel et mer, le cloître était le lieu de promenade des moines. C'est le seul endroit du Mont où l'on trouve de nombreuses et fines sculptures taillées dans la pierre de Caen. Une porte permet de communiquer du cloître au Réfectoire. C'est dans le Réfectoire que les moines se retrouvaient à chaque repas. Là, selon la règle de Saint-Benoît, les moines mangeaient dans un silence absolu. Seule la voix du moine chargé de lire les Evangiles s'entendait à l'heure des repas.

Juste sous le Réfectoire se trouve la Salle des Hôtes. C'est dans cette salle qu'étaient accueillis les seigneurs et les rois. Il faut imaginer les décorations qui ont aujourd'hui disparue: tapisserie, vitraux, mobiliers et peintures, pour se rendre compte de l'éclat que devait prendre cette salle les jours de réceptions.

Mont-Saint-Michel - La Merveille de l'Occident
 
Au même étage de la Merveille, se trouve la Salle des Chevaliers. Cette salle s'appelait autrefois le Scriptorium, les moines y passaient une grande partie de leur temps à copier et enluminer de précieux manuscrits. L'origine du nom Salle des Chevaliers remonte à la création de l'Ordre des Chevaliers de Saint-Michel par Louis XI. Ces chevaliers auraient dû se réunir annuellement dans cette salle, pourtant, il semble que cela ne soit jamais arrivé.

Toujours dans la Merveille, sous la Salle des Chevaliers, se trouve le Cellier. Cette salle, sombre et fraîche servait de réserve. Une porte permet de passer du cellier à l'Aumônerie, dernière des six salles de la Merveille. C'est là qu'étaient reçus les pèlerins pauvres pour être nourris.

Mont-Saint-Michel - La salle des chevaliers


Les Fraternités monastiques de Jérusalem sont présentes depuis 2001 au Mont Saint Michel, lui redonnant ainsi son caractère religieux. Ces Fraternités de Jérusalem rassemblent des moines, des moniales et des laïcs désireux, chacun selon son charisme et son engagement propre, de partager une même spiritualité qui les invite à vivre "au cœur des villes, au cœur de Dieu".


Citations à propos du Mont Saint Michel

"Un reliquat de Babel. Voilà ce qu'était le Mont-Saint-Michel. Un doigt fier pointé vers les cieux. ... Le Mont jaillissait de cette mer, colossal, comme le tranchant d'un silex patiemment sculpté et posé sur un immense écrin de nacre."
Le Sang du temps (2005) de Maxime Drouot, dit Maxime Chattam.

"Qu'est-ce qu'un fontis ? C'est le sable mouvant des bords de la mer tout à coup rencontré sous terre; c'est la grève du mont Saint-Michel dans un égout."
Les Misérables (1862) de Victor Hugo.


"Je voyais de ma chambre la mer et le Mont Saint-Michel, (ce Mont si orgueilleux que vous avez vu si fier et qui vous a vue si belle)"
Madame de Sévigné à sa fille

"Le Couesnon a fait folie cy est le Mont en Normandie" (Le Couesnon dans sa folie mît le Mont en Normandie")
Dicton breton

"L'abbaye escarpée, poussée là-bas, loin de terre, comme un manoir fantastique, stupéfiante comme un palais de rêve, invraisemblablement étrange et belle."
Guy de Maupassant

"Au Mont et alentours les heures du paysage sont toutes de belles heures. Le ciel agrandit les grèves, et les grèves paraissent agrandir le ciel."
Emile Bauman

"Le Mont Saint-Michel apparaît (...) comme une chose sublime, une pyramide merveilleuse."
Victor Hugo, 1865

Baie du Mont-Saint-Michel, vue aérienne

Baie du Mont-Saint-Michel, vue aérienne arrière

jeudi 19 mai 2011

Le visage humain - Edouard Chimot (1880-1959)

Édouard Chimot (26 novembre 1880 - 7 juin 1959) est un artiste français, peintre, illustrateur, graveur et directeur artistique dont la carrière a atteint sa consécration dans les années 1920 à Paris, en publiant une trentaine d'ouvrages aux Éditions d'Art Devambez. En tant qu'artiste son œuvre occupe une place remarquable, mais c'est comme directeur artistique que son travail prit toute sa dimension, faisant collaborer ensemble des talents exceptionnels au moment de la période Art Nouveau.

Le visage humain - Edouard Chimot (1921)


Né à Lille, Chimot étudie sous la direction de "Pharaon de Winter" aux Beaux-Arts de Lille puis sous celle de Jean-Baptiste Levert et d'Alexis Mossa à l'École des Arts décoratifs de Nice où il apprend véritablement le dessin. Le début de sa carrière n'est pas très précis. Il semble qu'il ait exposé pour la première fois en 1912, assez tard à l'âge de trente-deux ans, à l'approche de la Première Guerre mondiale, ce qui causa une cassure dans sa carrière. Ce n'est qu'à trente-neuf ans que Chimot marqua la scène artistique parisienne.

Le début tardif de la carrière de Chimot pourrait être dû au fait qu'il suivit une formation d'architecte. La seule preuve qui permette d'émettre cette hypothèse se trouve dans le guide Fodor, qui crédite Chimot de l'architecture en 1903 de la Villa Lysis à Capri, pour le Baron Jacques d'Adelswärd-Fersen. Puis Chimot, vient à Paris où il effectue différents métiers pour gagner sa vie tout en se consacrant la nuit au dessin.C'est alors qu'il songe à graver ses dessins. À cet effet, il achète une presse et tout seul apprend la gravure dans ses rares heures de liberté.

Dans les années précédant la Grande Guerre, il habite un atelier à Montmartre. De jeunes et jolies femmes commencent à lui servir de modèle. En 1912, sa première exposition de dessins, gravures et monotypes est couronnée de succès. Il décide de publier un premier ouvrage avec les textes de René Baudu à tirage limité intitulé Les Après-midi de Montmartre avec ses dessins qu'André Warnod nomme ses “petites filles perdues”. Puis vient la Guerre durant laquelle Édouard Chimot fut mobilisé durant près de cinq ans.

Après la Première Guerre Mondiale, Chimot loue l'atelier d'Auguste Renoir, Boulevard de Rochechouart. Son premier livre illustré "La Montée aux enfers" le lance et lui permet d'achever l'ouvrage Les Après-midi de Montmartre. Ils furent publiés en 1919, suivirent "Les Soirs d’opium" par Maurice Magre, "Le Fou" par Aurele Partorni, "L’Enfer" par Henri Barbusse, "La Petite Jeanne pâle" par Jean de Tinan et Mouki le "Delaissé" par André Cuel, tous illustrés avec des dessins originaux de 1920 à 1922. En 1921, Chimot collabore à "La Roseraie": Revue des Arts et des Lettres, publiée par Roger Lacourière (1892-1966) graveur en taille douce et fondateur de la maison d'édition La Roseraie sous la Direction Artistique de Chimot. Un seul numéro paraîtra. Carco, Dignimont, Chas Laborde, Martin, Daragnès, Falké, Drian, Vertès et bien d’autres, qui tous s’emparaient d’un coin de table pour travailler, fréquentaient les ateliers de La Roseraie. Mac Orlan, en 1927, rédige l'introduction du Catalogue des éditions de La Roseraie. Le directeur de la Roseraie, Roger Lacourière, graveur et fils de graveur, fonda sa firme en 1919. Il avait débuté en gravant et tirant des estampes pour d'autres. L'un des premiers livres édités par la Roseraie, après les Contes de Perrault, de Drian, fut le grand livre de Daragnès, Faust, auquel Mac Orlan fut associé car il en écrivit la préface.

La consécration de Chimot fut son rôle de Directeur Artistique de Les Éditions d’Art Devambez. De 1923 à 1931, de son atelier de la rue Ampère, il supervise l'édition de livres d'art illustrés par des artistes comme Pierre Brissaud, Edgar Chahine, Alméry Lobel-Riche, et Tsugouharu Foujita. Cependant, il se réserva des textes d'exceptions pour les illustrer: Les Chansons de Bilitis de Pierre Louÿs (1925), Les Belles de nuit de Maurice Magre (1927), et enfin Parallèlement de Paul Verlaine (1931).

Pour célébrer la femme, Chimot, va s'inspirer d'œuvres littéraires réalistes ou sulfureuses qui répondent à ses propres aspirations. Leurs poèmes ou leurs textes l'inspirent car ils exaltent la séduction féminine, la passion absolue, le désir exacerbé, il s'y mêle érotisme, beauté sublimée, rêverie, fantasmes, plaisir, triomphe, mais aussi souffrances et humiliations. Derrière l'amour subi ou consenti, il y a une course effrénée à l'oubli. Chimot va devenir le chantre visuel insatiable de la Beauté, de la Volupté et de la Mort.

Dans les années 1920, Édouard Chimot participa à deux films, L’Ornière (1924, aussi connu sous le titre de Micheline Horn et de Sur le Chemin de Vrai) puis Survivre (date inconnue). Durant cette période, Chimot crée non seulement des alliances artistiques mais aussi des alliances littéraires avec le Surréaliste Gilbert Lely, qui dédia sa première publication Ne tue ton père qu’à bon escient à Chimot en 1929. Le 23 octobre de cette année, Édouard Chimot, à l'âge de 49 ans,  était une figure incontournable du monde de l'Art, un éditeur généreux avec ses artistes, et lui-même un artiste dont le public admirait les nus symbolistes, “soumises à leurs passions mortelles et délicieuses”, comme l'écrivit André Warnod.

La Mort - Edouard Chimot (1921)

Arriva le krach de Wall Street et la crise de 1929, qui mit fin aux commandes des livres d'art à tirage limité. Quand les derniers livres en production chez Devambez, dont l'édition de Chimot Parallèlement, publié en 1931, une page se tourna. Cette année une monographie de Chimot fut publiée par Maurice Rat avec une préface de Maurice Magre, dans la série Les Artistes du livre, mettant un point final aux glorieuses années d'Édouard Chimot.

Les trente dernières années du travail de Chimot font ressortir un sentiment de tristesse bien que du fait de son exceptionnel talent des moments de grâce et de génie éclairent cette période. Dans la dernière année de sa vie parut une collection de 16  nus féminins, Les Belles que voilà : mes modèles de Montmartre à Séville, qu'il considère comme une sélection de son œuvre et sa relation avec la beauté féminine. En 1926 dans un article de L’Ami du Lettré, Chimot écrivit: “J’ai choisi la femme comme sujet préféré, puis unique de mon œuvre. Je recherche un modèle au corps élégant et mince avec le côté moderne, un peu androgyne. Je fais beaucoup de dessins dans l’ambiance du texte, puis je choisis parmi eux. La gravure devient une traduction libre de mon dessin. Il me faut de deux à quatre semaines pour une gravure. Je ne fais que de l’eau-forte.

Chimot tomba amoureux de l'Espagne lors de ses recherches pour  l'ouvrage "La Femme et le Pantin" de Pierre Louÿs en 1928. En 1938, lui et sa femme Loulou trouvèrent refuge au moment de la guerre dans leur maison de vacances qu'ils avaient achetée à Barcelone. À compter de ce moment, les ouvrages furent publiés à Barcelone le plus souvent pour illustrer des textes en espagnol.

Chimot meurt à Paris en 1959.

Les danseuses nues, Extrait du "Souper de Daphné", Aquatinte originale, 28x22 cm

mercredi 18 mai 2011

Femmes qui courent avec les loups - Clarissa Pinkola Estés (1945-)

Clarissa Pinkola Estés
Clarissa Pinkola Estés est née en 1945 aux États-Unis dans une famille d'origine hongroise. Elle est diplômée en ethnologie et en psychologie clinique. Elle est conteuse et psychanalyste. Elle a été élevée dans un petit village non loin des Grands Lacs. Une grande partie de son écriture est influencée par sa famille immigrante, ces fermiers, charrons, tisserands, bergers, tailleurs, ébénistes, dentelières, tricoteuses, cavaliers et cavalières du Vieux Pays  qui ne savaient à peine lire et écrire, mais qui se transmettaient une riche tradition orale.

Elle a été directrice de l'Institut C.G. Jung de Denver et est à l'origine de la création du concept de femme sauvage, un des archétypes féminins.

Ses écrits en psychologie s'intéressent aux problématiques féminines, et sont influencés par l'école jungienne. Ses écrits mettent en évidence le processus d'individuation et de connaissance de soi nécessaire à l'empowerment et au développement de toute femme. Sur le plan du féminisme, elle se situe ainsi dans un courant de conscientisation et de guérison, plutôt que de revendication. Ce positionnement est proche de l'auteure féministe et elle aussi jungienne Eliane Jung-Fliegans.

On lui doit plusieurs ouvrages, portant notamment sur les grands archétypes féminins qu'elle explore dans un livre intitulé Femmes qui courent avec les loups publié en 1992. Elle a aussi écrit Le Jardinier de l'Eden et Le Don de l'histoire.

Sa thèse de doctorat en psychologie et ethnologie clinique, porte sur l’étude des comportements sociaux, psychologiques et tribaux dans les groupes culturels. Elle vient parler régulièrement de ses travaux dans les universités. Elle est l’auteur de nombreux livres sur la vie et l’âme. Ses œuvres sont traduites en 39 langues dont le turc et le mandarin.

Elle a travaillé avec les familles de survivants de la tragédie de Columbine. Elle a œuvré aussi sur les sites de catastrophes naturelles, le développement de rétablissement après un traumatisme pour les survivants du séisme en Arménie.

Estés est rédacteur en chef pour TheModeratevoice.com, un blog de nouvelles et politique, où elle écrit aussi sur les questions de la culture, l'âme et la politique. Elle est également chroniqueur sur les questions de la spiritualité, de la justice sociale et de la culture dans sa colonne intitulée El Rio Debajo del Rio: "la rivière sous la rivière".

Son premier livre, Femmes qui courent avec les loups (Grasset, 1996), est une référence dans le monde entier. Elle a également publié Le jardinier de l'Eden (Grasset, 1998) et Le don de l'histoire (Grasset, 1999).


Femmes qui courent avec les loup

Le livre "Femmes qui courent avec les loups" nous propose une réflexion indispensable sur l’évolution contemporaine de l’identité féminine, dans ce qu’elle a de plus intime.


L'ouvrage se présente comme la succession de quelques contes de fées soigneusement analysés nous permettant de mieux comprendre les aspects de la femme et son cheminement.

L’écriture si particulière de Clarissa Pinkola Estés touche plusieurs niveaux de conscience, et offre ainsi une compréhension des interactions complexes entre les humains. Utile pour comprendre l'âme féminine, ce qui n'est pas toujours facile (et tant mieux!), mais aussi pour s'aider soi-même, car bien des recommandations peuvent être d'une grande utilité, que l'on soit homme ou femme.

Ce livre nous plonge dans nos affres intérieures mais aussi révèle la lumière qui se cache parfois bien profondément en nous. Il est un cri de rébellion contre le carcan social que la femme accepte bien trop facilement.

Ce carcan l’empêche de toucher son anima, sa force créatrice qui lui permet de se régénérer, de s’exprimer. Elle doit donc secouer ses chaînes quelles qu’elles soient pour ramener à la vie la femme sauvage qui est en elle, la femme qui sait et qui sait faire.


Extrait

"Bienvenue...
Entre, entre donc...

Je t'attendais... oui, toi et ton esprit ! Je suis heureuse que tu aies trouvé le chemin...

Viens, assieds-toi auprès de moi. Laissons un peu de côté "toutes ces choses qu'il nous reste à faire". Nous aurons le temps plus tard. Le jour lointain où nous nous présenterons à la porte du paradis, je t'assure qu'on ne nous demandera pas si nous avons bien manié le balai. On nous interrogera sur la profondeur de l'existence que nous aurons choisi de vivre plutôt que sur le nombre de " broutilles essentielles " par lesquelles nous nous serons laissé déborder.

Donc, pour le moment, autorisons-nous quelques calmes pensées avant de reparler du monde et de son tumulte... Installe-toi sur cette chaise. Elle me paraît convenir à ton corps précieux. Bien. Maintenant, prends une longue inspiration... Laisse tes épaules retomber, retrouver leur forme naturelle. N'est-ce pas agréable de respirer cet air pur, tout simplement ? Inspire encore. Voilà... Je t'attends... Tu vois ? Tu es plus calme, maintenant, plus présente.

J'ai allumé le feu juste pour nous ; il brûlera jusqu'au bout de la nuit, assez longtemps pour accompagner toutes les " histoires dans les histoires " à venir. Accorde-moi quelques instants, le temps de finir de nettoyer la table avec de la menthe fraîche. On va sortir le beau service et boire ce qui est réservé " aux grandes occasions ". Les "grandes occasions", ce sont en fait celles que l'âme préside. Tu as remarqué ? Cette tendance à trop vouloir "réserver", c'est la façon un peu grognon qu'a le moi de faire savoir que pour lui, l'âme ne mérite pas qu'on mette chaque jour les petits plats dans les grands. Eh bien si, elle le mérite.

Restons donc assises ensemble, comadre, rien que nous deux... et l'esprit qui se crée chaque fois que deux âmes, ou plus, se réunissent dans l'attention et le respect mutuels, chaque fois que deux femmes ou plus parlent " des sujets qui comptent vraiment ".

Ici, dans ce refuge à l'écart de tout, l'âme est autorisée... et encouragée à dire le fond de sa pensée. Ici, ton âme est en bonne compagnie. 

Ici, à la différence du monde extérieur, ton âme est en sécurité. Détends-toi, comadre, ton âme est en sécurité. Si tu es venue me voir, c'est peut-être parce que tu souhaites vivre de manière à connaître le bonheur d'" être jeune dans la vieillesse et vieille dans la jeunesse ", comme je le dis, c'est-à-dire à avoir en toi un bel ensemble de paradoxes maintenus dans un équilibre parfait. N'oublie pas que le terme paradoxe est à prendre au sens d'idée contraire au sens commun. Cela s'applique à la grand-mère, la gran madre, la plus grande des femmes, car elle est en train de devenir une femme sage, qui assure la cohésion des capacités de la psyché profonde, illogiques en apparence, mais fondamentalement empreintes de grandeur.

Ces grands attributs paradoxaux sont, globalement: posséder la sagesse tout en cherchant sans cesse à apprendre ; être à la fois spontanée et fiable; follement créative et constante; audacieuse et vigilante; entretenir la tradition et posséder une authentique originalité. Tu verras, je l'espère, que tu possèdes dans une certaine mesure tous ces attributs, que ce soit en puissance, en partie ou intégralement.

Si tu es intéressée par ces contradictions divines, tu es intéressée par l'archétype mystérieux et fascinant de la femme sage, dont la grand-mère est l'une des représentations symboliques. L'archétype de la femme sage appartient aux femmes de tout âge et il se manifeste de manière unique, sous des formes particulières, dans la vie de chacune d'entre elles.

Parler de l'imago profonde de la grand(e) mère en tant que l'un des aspects majeurs de l'archétype de la femme sage n'est pas parler de l'âge chronologique ou d'une étape de la vie féminine. Une grande perspicacité, une grande prescience, une grande paix, une grande expansivité, une grande sensualité, une grande créativité, une grande acuité et une grande audace dans l'acquisition des connaissances, c'est-à-dire ce qui fait la sagesse, n'arrive pas d'un coup, à un certain âge, et ne vient pas se poser comme un manteau sur les épaules d'une femme.

Une grande clarté de l'esprit et de la perception, l'amour dans ce qu'il a de plus grand, une grande connaissance de soi, ample et profonde, la sagesse qui croît en finesse au fur et à mesure qu'on l'applique... tout cela constitue toujours " une œuvre en cours " quel que soit le nombre des années. Souvent, c'est à travers les accidents de la vie, envols de l'esprit, erreurs de parcours et nouveaux départs qui interviennent à mi-parcours, ou plus tôt, ou plus tard, que l'on construit la " grandeur ", par rapport au simple " ordinaire ". Ce qui est récolté après la catastrophe ou la bonne fortune... l'esprit, le cœur, le mental et l'âme de la femme le forment, puis le mettent en pratique... jusqu'à ce qu'elle ne soit pas seulement compétente à sa manière paradoxalement sage... mais souvent aussi maîtresse de sa façon de vivre, de voir et d'exister.

Aimer, cela veut dire rester avec. Cela veut dire émerger d'un monde de fantasmes pour entrer dans un univers où un amour durable est possible, face contre face, os contre os. "


Citations de Clarissa Pinkola Estès 

"C'est le besoin de forcer l'amour à se perpétuer uniquement dans sa forme la plus positive qui finit par provoquer la mort de l'amour. "

"Les amants qui persistent à tenter de maintenir les choses à un sommet éblouissant passeront le reste de leur existence dans une relation chaque jour plus ossifiée. "

"Chaque arbre possède sous la terre une version première de lui-même. L'arbre vénérable abrite un 'arbre caché' souterrain, constitué par un  réseau de racines vitales qui s'abreuvent en permanence à des eaux invisibles. A partir de ces racines, l'âme cachée de l'arbre fait monter l'énergie afin que sa vraie nature, sage et audacieuse, puisse s'épanouir au-dessus du sol. Il en va de même avec l'existence d'une femme. Malingre ou flamboyante, [... ], les loups, même malades, même acculés, même seuls ou effrayés, vont de l’avant. […] Ils donneront toutes leurs forces pour se traîner si nécessaire d’un endroit à l’autre, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé un bon endroit pour guérir et pour revivre. La nature sauvage va de l’avant. Elle persévère."

  

mardi 17 mai 2011

Le bonheur s'apprend

Peut-on enseigner aux gens à devenir heureux ? L'argent fait-il le bonheur ? Pourquoi certaines personnes sont-elles continuellement et apparemment plus heureuses que d'autres ? Ces problèmes fréquents et fondamentaux de la condition humaine ont été systématiquement ignorés par les psychologues jusqu’à il y a peu.



La psychologie positive

La psychologie positive est l'étude des facteurs et des processus qui conduisent à des émotions positives, à des comportements vertueux et à une performance optimale chez les individus et chez les groupes. Bien que quelques rares psychologues, essentiellement des "psychologues du soi", aient toujours été intéressés par la santé et les bonnes performances, l'étude du bonheur était considérée comme sans importance, et même futile.

Ceci reste encore vrai: pour environ cent livres et articles sérieux de psychologie, quatre-vingt-dix-neuf traitent de dépression et un seul de bonheur. Mais nous savons depuis cinquante ans que le bonheur n'est pas l'opposé du malheur, car ils concernent des domaines différents. Le premier livre sur la psychologie du bonheur est apparu dans les années 1980. Puis quelques revues scientifiques ont vu le jour. Mais ce n'est qu'au tournant du deuxième millénaire que le mouvement de la psychologie positive est devenu vraiment actif.

La psychologie positive est devenue l'axe de recherche de nombreux psychologues célèbres; aujourd'hui, elle aborde beaucoup d'autres thèmes que le seul bonheur.


Principales préoccupations 

La psychologie du bonheur essaie de répondre à certaines questions fondamentales abordées par des philosophes, des théologiens et des hommes politiques. La première série de questions concerne la définition et la mesure du bonheur; la deuxième consiste à savoir pourquoi certains groupes sont heureux ou malheureux; la troisième concerne ce que l'on doit faire (ou ne pas faire) pour augmenter le bonheur.

La science commence avec des définitions. Aussi, qu'est-ce que le bonheur? On le décrit parfois comme un état de bien-être, de contentement, de paix de l'esprit ou de plénitude, quelque chose qui a un lien avec la satisfaction de la vie ou l'absence de stress psychologique. Il a également été décrit en termes de plaisir, de joie et d'amusement.

L'expression la plus souvent utilisée par les chercheurs est "bien-être subjectif". Cela décrit la façon dont les individus font une évaluation globale et personnelle sur leur vie et leur satisfaction générale. C'est-à-dire, c'est l'individu qui évalue son propre bien-être, non un coach, un conseiller, un enseignant, un thérapeute ou encore un théoricien.

Ces auto-évaluations peuvent être réparties en deux éléments:

• La satisfaction au travail et à la maison
• La satisfaction avec soi et les autres.

Ainsi, quelqu'un peut avoir un niveau élevé de l'un et bas de l'autre, mais ces deux formes de satisfaction ont cependant tendance à être fortement corrélées. Les individus ont tendance à être relativement stables dans leur évaluation des différents aspects de leur existence. Ils peuvent fluctuer en fonction de circonstances particulières, telles qu'avoir de la chance (gagner au loto) ou être victimes de terribles accidents (et devenir paralysés), mais ont tendance à revenir à leur niveau personnel après une durée assez courte.


Mesurer le bonheur

La plupart des mesures du bonheur consistent en questionnaires standardisés ou en entretiens. Cela peut être réalisé par des observateurs avertis: les personnes qui connaissent bien l'individu et le voient régulièrement. Il y a également la méthode appelée "échantillon d'expérience", au cours de laquelle les individus doivent écrire leur niveau de bonheur à de nombreux moments de la journée, de la semaine ou du mois, au moment où un bip-bip sonne, puis l'on additionne ces évaluations. Une autre forme de mesure consiste à examiner la mémoire d'une personne et à noter si elle se sent plutôt heureuse ou malheureuse au sujet de son passé. Enfin, il y a des mesures physiques grossières mais toujours utilisées, telles que le scannage du cerveau ou la mesure du niveau de cortisol de la salive. Il est assez facile de mesurer le bonheur de manière fiable.

Le bonheur est-il important ?


Bien entendu! Les résultats des recherches suggèrent que les gens heureux possèdent un système immunitaire puissant qui leur donne une meilleure santé et leur permet de vivre plus longtemps que les gens malheureux. Ils ont tendance à mieux réussir au travail et ont de meilleures relations personnelles. Ils sont plus séduisants aux yeux des autres. Ils semblent s'apprécier plus que les personnes malheureuses et mieux faire face à toutes sortes de revers. Les personnes heureuses prennent de meilleures décisions et ont tendance à être plus créatives. Les personnes malheureuses semblent gaspiller leur temps et leur énergie à rester vigilantes pour guetter la survenue de signes de danger ou d'échec. Elles sapent leur énergie.

Il y a des éléments en faveur de l'héritabilité du bien-être subjectif. Les études menées avec des jumeaux ont montré que si les gens héritent d'une tendance ou prédisposition pour la dépression, il en est de même pour le bonheur. Mais les facteurs environnementaux jouent inévitablement un rôle, en particulier l'environnement familial précoce. Nous savons également que même si des individus vivent des événements qui entraînent un bonheur ou un malheur extrême, ils ont tendance à revenir à leur niveau initial relativement rapidement.

Certaines sociétés sont plus heureuses que d'autres. Les pays latins semblent plus heureux que les pays entourant l'Océan pacifique. Deux éléments semblent liés au bonheur national global: la richesse, la stabilité et la nature démocratique de la société, ainsi que les normes sociales relatives aux émotions positives et à l'évitement des émotions négatives. La grande pauvreté rend les gens malheureux, mais la grande richesse a peu d'effet sur le bien-être subjectif. Les études montrent également que plus l'on est matérialiste, moins l'on est heureux. Les personnes les plus heureuses semblent toutes avoir de bons amis.


Apprendre à être heureux

Les individus peuvent faire de nombreuses choses pour augmenter leur bonheur. La première est de ne pas confondre le succès avec le bonheur. La suivante est de prendre le contrôle de leur existence. Il a été démontré que si vous agissez comme si vous étiez heureux (en souriant, en exprimant de l'optimisme, en étant sociable), cela fait réagir différemment les personnes qui vous entourent, ce qui vous rend vraiment heureux.
Trouver un travail et des activités de loisirs qui font véritablement appel à vos compétences et à vos passions aide beaucoup. Faire régulièrement de l'exercice, bien dormir et bien manger aide à rester de bonne humeur. Investir du temps et de l'attention dans les relations est une caractéristique essentielle du bonheur. Valoriser les autres, les aider et exprimer régulièrement de la gratitude pour l'existence augmente le bonheur, de même que d'avoir un but dans la vie et de l'espoir ou de la foi.

La psychologie positive fait changer de regard, depuis une focalisation sur le fait d'essayer de corriger ou de modifier la faiblesse personnelle vers l'étude des forces et des vertus. Elle vise à promouvoir le véritable bonheur et la bonne vie, et donc à favoriser la santé. Un point de départ de la psychologie positive a consisté à essayer de lister et de catégoriser les forces et les vertus. Ce qui a été fait, bien que cela suscite toujours une certaine controverse. Voici cette liste:

• La sagesse et la connaissance (comprenant la créativité, la curiosité, l'ouverture d'esprit, l'amour de l'apprentissage, la perspective -capacité à donner de sages conseils aux autres) ;

• Le courage (comprenant la bravoure, la persistance, l'intégrité et la vitalité) ;

• L'humanité (comprenant l'amour, la gentillesse, l'intelligence sociale) ; la justice (comprenant la citoyenneté, la justice, le leadership) ;

• La tempérance (comprenant le pardon, l'humilité et la modestie, la prudence, l'autorégulation) ;

• La transcendance (comprenant l'appréciation de la beauté, la gratitude, l'espoir, l'humour, la spiritualité).


La psychologie positive suscite maintenant l'intérêt des économistes, des théologiens et des hommes d'affaires. Ce mouvement s'accélère rapidement et se transforme pour examiner scientifiquement cette condition humaine essentielle.




Mythes relatifs au bonheur 

Les chercheurs ont fait une liste de mythes sur la nature et les sources du bonheur. Il s'agit notamment de ceux-ci, largement crus, mais erronés:

• Le bonheur dépend surtout de la qualité et de la quantité de choses qui nous arrivent;

• Les individus ayant un grave handicap physique sont toujours moins heureux;

• Les jeunes gens sont beaucoup plus heureux que les personnes âgées;

• Les personnes qui se sentent très heureuses se sentent aussi très malheureuses;

• Les personnes plus intelligentes sont généralement plus heureuses que les autres personnes;

• Les enfants augmentent significativement le bonheur des couples mariés;

• Gagner beaucoup d'argent rend les gens bien plus heureux à long terme ;

• Les hommes sont globalement plus heureux que les femmes;

• La poursuite du bonheur nous conduit paradoxalement à le perdre.




Chronologie de la psychologie positive

1969: Publication de l'ouvrage "La structure du bien-être psychologique" de Bradburn

1987: Publication de l'ouvrage "La psychologie du bonheur" de Argyle

1998: Date officielle de la fondation de la psychologie positive

2001: Publication de l'ouvrage "Découvrez vos points forts" de Buckingham et Clifton

2002: Publication de l'ouvrage "Le bonheur authentique" de Seligman



Citations sur le Bonheur

"Le bonheur est un mystère comme la religion et ne devrait jamais être rationalisé."
S.K. Chesterton, 1920

"Un homme est heureux aussi longtemps qu'il choisit de l'être."
Alexandre Soljenistsyne, 1968

"Si vous voulez être heureux, soyez le."
Léon Tolstoï, 1900

"Manifester son bonheur est un devoir ; être ouvertement heureux donne aux autres la preuve que le bonheur est possible."
Albert Jacquard

"Dans le bonheur d'autrui, je cherche mon bonheur."
Pierre Corneille

"Le bonheur naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur."
Lao-Tseu

"Ce n'est pas à la possession des biens qu'est attaché le bonheur, mais à la faculté d'en jouir. Le bonheur n'est qu'une aptitude."
Bernard Grasset, Extrait des Remarques sur le bonheur

"Peut-être le bonheur n'est-il qu'un contraste, mais il y a une foule de petits bonheurs qui suffisent pour parfumer la vie."
Alphonse Karr, Extrait de Sous les tilleuls du bonheur

"Le plus grand secret pour le bonheur, c'est d'être bien avec soi."
Bernard Fontenelle

"Le bonheur est un maître exigeant, surtout le bonheur d'autrui."
Aldous Huxley, Extrait de Le meilleur des mondes

"Si le bonheur extérieur n'est que hasard, le bonheur intérieur tu dois le construire toi-même."
Johann Kaspar Lavater

"Si l'on trouve du plaisir au bonheur d'autrui, c'est avant tout parce que l'autre est nécessaire à son propre bonheur."
Jacques Attali, Extrait de Fraternités - Une nouvelle utopie

"La science a-t-elle promis le bonheur ? Je ne le crois pas. Elle a promis la vérité, et la question est de savoir si l'on fera jamais du bonheur avec de la vérité."
Emile Zola

"Rien n'empêche le bonheur comme le souvenir du bonheur."
André Gide

"Vous cherchez le bonheur, pauvres fous ? Passez votre chemin : le bonheur n'est nulle part."
Louise Michel, Extrait de ses Mémoires

"Et si le bonheur n'existe pas ? C'est que le malheur non plus n'existe pas. Et cela est un bonheur qui en vaut bien d'autres."
Gilbert Choquette, Extrait de L'interrogation

"Picorer tous les petits plaisirs jusqu'à ce que le grand bonheur arrive... Et s'il n'arrive pas, on aura au moins joui de tous les petits bonheurs."
Théodor Fontane

"Etre étonné, c'est un bonheur ; - et rêver, n'est-ce pas un bonheur aussi ?"
Edgar Allan Poe

"L'égoïste est triste parce qu'il attend le bonheur."
Alain, Extrait des Propos sur le bonheur

"Le bonheur de demain n'existe pas. Le bonheur, c'est tout de suite ou jamais."
René Barjavel, Extrait de Si j'étais Dieu...

"Bonheur: sensation de bien-être qui peut conduire à l'imprudence. Si vous nagez dans le bonheur, soyez prudent, restez là où vous avez pied."
Marc Escayrol, Extrait de Mots et grumots

"Bonheur : faire ce que l'on veut et vouloir ce que l'on fait."
Françoise Giroud, Extrait de Ce que je crois

"Le bonheur n'est jamais grandiose."
Aldous Huxley, Extrait de Le Meilleur des mondes

"Il faudrait convaincre les hommes du bonheur qu'ils ignorent, lors même qu'ils en jouissent."
Montesquieu, Extrait de Mes pensées

"Le bonheur ne consiste pas à acquérir et à jouir, mais à ne rien désirer, car il consiste à être libre."
Epictète, Extrait de Manuel

"L'espérance est un emprunt fait au bonheur."
Joseph Joubert, Extrait des Pensées

"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur, et rien d'autre."
Paul Eluard, Extrait de Le Château des pauvres

"L'essentiel pour le bonheur de la vie, c'est ce que l'on a en soi-même."
Arthur Schopenhauer, Extrait des Aphorismes sur la sagesse dans la vie

"Les deux grands secrets du bonheur: le plaisir et l'oubli."
Alfred de Musset, Extrait de La Nuit vénitienne

"Le bonheur est à ceux qui se suffisent à eux-mêmes."
Aristote

"Le parfait bonheur ne consiste qu'à rendre les hommes heureux."
Jean-Baptiste Rousseau

"Dès qu'on aura bien conçu que tous doivent s'occuper du bonheur de tous, le plus difficile sera fait."
Joseph Bonaparte

"Le bonheur est quelque chose qui se multiplie quand il se divise."
Paulo Coelho, Extrait de Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j'ai pleuré

"Nous cherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme les ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu'ils en ont une."
Voltaire

"La nature est éternellement jeune, belle et généreuse. Elle possède le secret du bonheur, et nul n'a su le lui ravir."
George Sand, Extrait de La mare au diable

"Le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l'ont pas cherchée."
Alain, Extrait de Propos

"L'habitude de rentrer en moi-même me fit perdre enfin le sentiment et presque le souvenir de mes maux, j'appris ainsi par ma propre expérience que la source du vrai bonheur est en nous."
Jean-Jacques Rousseau, Extrait des Rêveries du promeneur solitaire

"Le bonheur est la chose la plus simple, mais beaucoup s'échinent à la transformer en travaux forcés !"
François Truffaut

"Le bonheur est la seule chose qui se double si on le partage."
Albert Schweitzer

"Chacun a ses propres instants de bonheur : il s'agit simplement d'en multiplier la conscience et les occasions."
Albert Memmi, Mots du Maghreb

"Il n'y a pas un chemin qui mène au bonheur. Le bonheur est le chemin..."



lundi 16 mai 2011

Cathédrale de Porto (Sé do Porto), Portugal

Au sud de la gare, la Cathédrale de Porto située au sommet de la colline surplombant le fleuve Douro. Elle domine la vieille ville. D’allure imposante, c’est un mélange de l’art roman, gothique et baroque. La Sé de Porto est dédiée à Notre-Dame de Vendôme, la patronne des Portugais.
Façade de la Cathédrale de Porto
Deux tours tenant lieu de clocher font face au fleuve Douro, comme des tours de guet, des murs si épais qu’ils résistaient sans doute aux boulets de canon ayant cours au moyen-âge, un cloître fortifié, un pilori sis tout juste devant l’entrée du lieu saint où les condamnés étaient pendus, un donjon qui jouxte l’édifice religieux principal.
La Cathédrale (Sé en portugais) a été fortifiée pour protéger la ville. Elle a été érigée par l’Ordre de Saint-Laurent. Tout à côté de celle-ci, il y a un donjon servant de bâtiment militaire. Les fenêtres de la Sé sont d’origine, très étroites et laissant passer très peu de lumière. Les deux tours servant de clocher sont aussi d’origine, tout comme la rosace au centre de la façade. Un des murs est entièrement recouvert d’azulejos. Il date du XVIIIe siècle.
Façade de la Cathédrale de Porto
 
La construction de la cathédrale a commencé au début XIIème siècle et n’a été terminée qu’au cours du XIIIème siècle. La chapelle principale, quant à elle, a été entièrement reconstruite au XVIIIème siècle. Les fresques qui ornent les murs ont été peintes par Nicollo Nasoni, un peintre et architecte toscan ayant connu la gloire au Portugal. Les piliers et les voûtes granitiques à l’intérieur sont d’origine.
Façade de la Cathédrale de Porto
Forteresse et église du XIIème siècle, la cathédrale a subi de profondes modifications aux XVIIème siècle et XIIIème siècle. Ainsi, Si la cathédrale n’apparaît pas comme le plus bel édifice religieux de Porto, du fait de son architecture austère et massive, issue de remaniements successifs. En revanche son cloître, décoré d’azulejos, s’avère plus accueillant.

Le cloître

Il s’agit d’un cloitre spectaculaire, datant du XIV-XVème siècle établit sous l’égide de Jean Ier du Portugal. Dans la cour centrale du cloître, se trouve une grande croix de pierre. Cependant, ce qui saute le plus aux yeux est l'ensemble des fabuleux panneaux d'azulejos réalisés en 1731 qui couvrent les murs des galeries.
Cloître de la Cathédrale de Porto, décoré d'azulejos

Azulejos, Cloître de la Cathédrale de Porto
Un élégant escalier du XVIIIème siècle mène à l'étage, où le visiteur verra un superbe panneau d'azulejos. De là, la vue est qualifiée de magnifique.



Cloître de la Cathédrale de Porto, cour intérieure

L’un des autels de la Cathédrale est en argent massif ! Pendant un peu plus d’un siècle, du XVIIIème au XIXème, l’autel en argent a été recouvert de stuc sans que personne ne soupçonne que sous le stuc brillait l’argent. C’est un sacristain qui, peu avant l’arrivée des troupes napoléoniennes, avait recouvert l’autel de cet enduit, pour prévenir le pillage. Sauf que l’homme à l’idée géniale a trépassé sans dévoiler son secret de sorte que la population, tout comme le clergé, a ignoré le subterfuge durant plus d’un siècle.
Cloître de la Cathédrale de Porto, cour intérieure
Adresse:
Terreiro da Sé P - 4000 Porto

Ouverture:
nov-mars : 8h45-12h30,14h30-18h
avril-oct : 8h45-12h30,14h30-19h  

Cloître de la Cathédrale de Porto
Cathédrale de Porto de nuit

dimanche 15 mai 2011

Quelles différences y a-t-il entre l’animal et l’être humain ?

L’être humain est-il essentiellement un animal ou, au contraire, radicalement différent des autres espèces vivantes ? Cette question a été longtemps le domaine réservé des philosophes, avec par exemple d’un côté Descartes et Kant, qui prônaient la discontinuité radicale entre l’humain et l’animal, et de l’autre Aristote et Montaigne, qui pensaient qu’il n’y a pas de différence de nature entre les deux, mais seulement de degré.

Certes, le sens commun immédiat nous conduit plutôt à penser que l’être humain diffère nettement des autres espèces: imagine-t-on un chimpanzé fabriquer une voiture ou envoyer un... chimpanzé sur la Lune ? Cependant, dès qu’il s’agit de fournir une définition précise, opérationnelle, de cette différence, la question devient plus épineuse. Prenons l’exemple du langage: beaucoup d’animaux communiquent entre eux, mais s’agit-il véritablement de langage ? En fin de compte, à partir de quel degré de complexité peut-on parler de langage ?


Quand les animaux s'humanisent

Cette question de la continuité/discontinuité entre l’animal et l’humain intéresse particulièrement les éthologues (spécialistes du comportement), les paléoanthropologues (paléontologues spécialisées dans l’espèce humaine), les anthropologues, les primatologues et... les psychologues. Une règle explicite longtemps admise chez les éthologues était de s’interdire toute forme d’anthropomorphisme. Ce terme désigne l’utilisation de caractéristiques humaines pour décrire et/ou expliquer le comportement d’animaux. Mais ce principe de base est profondément remis en question depuis plusieurs décennies, en raison d’un double changement de regard:

* sur l’animal, car les éthologistes se sont rendus à l’évidence: les animaux peuvent éprouver des émotions, développer des processus cognitifs, etc. ;

* sur l’être humain, car de plus en plus de spécialistes des sciences humaines considèrent que de nombreux comportements humains sont directement influencés par nos racines animales.

Une nouvelle science voit le jour à partir de la fin des années 1970, l’éthologie cognitive, qui s’intéresse non seulement aux comportements animaux, mais plus encore aux facteurs susceptibles d’expliquer ces comportements. Le mot cognitif est d’ailleurs restrictif puisque les chercheurs opérant dans ce courant de recherche s’intéressent également aux fondements émotionnels, subjectifs, voire moraux des comportements animaux. Donald Griffin fait figure de pionnier en proposant que les animaux ont des images mentales des objets et des événements et ont des aptitudes à l’intentionnalité et à l’anticipation.

Plus encore, de nombreux chercheurs estiment de nos jours que beaucoup d’animaux ont une personnalité individuelle: par exemple, certains animaux sont plus ou moins introvertis ou extravertis. Une synthèse réalisée en 2001 a révélé que sept cent quatre-vingt-sept recherches abordaient cette question de la personnalité des animaux. Elles concernent non seulement des singes, des chats ou des chiens, mais également des ours, des lions, des écureuils, des cochons, voire même des papillons et des pieuvres !

Morphing par Paranoiik sur http://www.virusphoto.com

La thèse de la continuité entre l'animal et l'humain

Le statut unique de l’être humain a été progressivement remis en question, car les principales caractéristiques que l’on a crues spécifiques à l’humain ont ensuite été constatées chez des animaux, en particulier les grands singes. C’est le cas de caractéristiques:

* comportementales : bipédie ;
* cognitives : conscience de soi, langage, intelligence, utilisation d’outils ;
* sociales : tabou de l’inceste, chasse, guerre, politique, culture, mensonge, morale, empathie.

a) La conscience de soi


Elle a essentiellement été mise en évidence par le "test du miroir". On peint un signe sur un animal à son insu, pendant son sommeil ou après anesthésie, puis on le place face à un miroir. Au début, il pense se trouver confronté à un congénère, mais ensuite certains individus présentent des comportements qui montrent qu’ils comprennent que le signe est placé sur leur propre corps. Des chimpanzés touchent la tâche avec leur main, une éléphante touche une croix avec sa trompe, une femelle dauphin se dirige vers le miroir, part ensuite frotter sur la paroi du bassin la partie du corps marqué, fait ensuite plusieurs allers-retours avec, à chaque fois, moins de substance colorée sur son corps.

b) L’utilisation d’outils

Dans les années 1960, l’anthropologue Louis Leakey était convaincu que l’être humain était seul à utiliser des outils. Mais quelques années plus tard, son assistante Jane Goodall démontre que les chimpanzés utilisent également des outils pour attraper des insectes. Depuis, les observations se sont multipliées: un chimpanzé introduit une tige dans une fourmilière ou une termitière. Les insectes s’agrippent à la tige, le chimpanzé la retire et se délecte des animaux. Un autre comportement a été très étudié par les primatologues: le cassage des noix chez les chimpanzés. Les singes utilisent une pierre comme marteau et une grosse racine ou une pierre comme enclume. D’autres usages d’outils ont également été constatés. Par exemple, on a récemment observé des gorilles utilisant des cannes pour tâter la profondeur d’un cours d’eau avant de s’y aventurer.

c) Les comportements sociaux et moraux


Les grands singes ont des fonctionnements sociaux particulièrement complexes. Ils peuvent faire usage de stratégies politiques, par exemple deux mâles peuvent se coaliser pour renverser le chef du groupe, des chimpanzés peuvent servir de médiateurs(trices) lors de conflits, Les singes, surtout les bonobos, peuvent manifester de l’empathie, de la gratitude, ont le sentiment de ce qui est juste ou non, peuvent faire preuve de générosité et d’altruisme, etc.

La découverte de comportements moraux et altruistes chez les animaux a fortement bouleversé notre regard sur eux. Songeons un instant à l’adjectif "bestial", utilisé pour décrire des individus et des comportements particulièrement violents; ou inversement à l’adjectif "humain" pour les actes bienveillants. L’empathie, capacité à se mettre à la place des autres, a d’ailleurs été observée chez des rats depuis un demi-siècle déjà. En 1959, un article au titre surprenant pour l’époque, "Les réactions émotionnelles des rats à la douleur d’autrui", montrait que ces animaux arrêtent d’appuyer sur un levier commandant la distribution de nourriture si cette action envoie en même temps une décharge électrique à un congénère.

En 2002, Frans de Waal, le primatologue qui a le plus agi ces dernières années en faveur de la thèse de la continuité, publie avec Stéphanie Preston une synthèse de travaux sur l’empathie, mettant en évidence la présence de ce comportement chez divers animaux. En particulier, il cite une méta-analyse de plus de deux mille comptes rendus d’observations qui ont mis en évidence trois types d’empathie chez les singes: émotionnelle, cognitive (capacité à percevoir les états mentaux d’autrui), et comportementale (aide bien adaptée).

Les singes les plus doués d’empathie sont les bonobos, espèce biologiquement très proche à la fois des chimpanzés et de l’être humain. Il cite par exemple le cas de Kuni, une femelle bonobo du zoo Twycross en Angleterre, qui a ramassé un jour un étourneau assommé à la suite d’un choc contre la vitre de son enclos. Comme l’oiseau ne bougeait pas, Kuni l’a lancé en l’air, mais il a seulement voleté. Kuni l’a ramassé, a grimpé au plus haut de l’arbre le plus élevé, a déplié délicatement les ailes de l’oiseau, une aile dans chaque main, avant de le lancer dans l’air. Comme l’oiseau restait dans l’enceinte, Kuni l’a protégé pendant un long moment de la curiosité d’un jeune singe. Il a finalement réussi à s’envoler.

Selon De Waal, "il n’existe pas une seule tendance que nous ne partagions avec ces gais lurons velus dont nous adorons nous moquer".

Femelle bonobo et son petit
 
La thèse de la spécificité humaine


Qu’ont à répondre, face à cela, les partisans de la thèse de la discontinuité animal/être humain ? Ils reconnaissent certes que les animaux (surtout les grands singes) ont des aptitudes bien supérieures à ce que l’on croyait initialement, mais elles n’atteignent pas, selon eux, le même niveau de complexité que chez l’être humain. En fait, l’impression générale qui ressort, à la lecture de leurs écrits, c’est que l’être humain est le seul à atteindre un niveau '"méta", de second degré, dans beaucoup d’opérations, en particulier cognitives.

a) Le langage et la communication

Par exemple, grâce à la langue des signes, certains chimpanzés sont parvenus à apprendre plusieurs centaines de mots (contre cinquante mille ou cent mille pour un être humain). Ils sont donc capables d’utiliser un symbole pour un concept. En revanche, la capacité syntaxique, c’est-à-dire l’aptitude à combiner des mots pour former de nouvelles significations leur est quasiment étrangère. Selon Jacques Vauclair, professeur en psychologie, elle "ne dépasse pas le stade d’une grammaire à deux mots". Ce même auteur souligne que "les chimpanzés peuvent comprendre et utiliser le geste de pointage dans un contexte de demande (pointer du doigt vers un expérimentateur pour attirer son attention vers un objet alimentaire), mais ils ne peuvent apparemment pas concevoir la signification du pointage chez l’homme".

b) L’action collective intentionnelle

Michel Tomasello, psychologue cognitif américain, l’un des plus fervents partisans de la thèse de la discontinuité, affirme certes que l’être humain partage certaines caractéristiques avec les grands singes, mais que la cognition humaine est unique en raison de sa nature collective. En 2005, Tomasello a publié avec ses collègues chercheurs, un long article expliquant que la différence cruciale entre la cognition humaine et celles des autres espèces est l’"intentionnalité partagée", c’est-à-dire l’aptitude à participer avec les autres à des activités en collaboration, sur la base d’intentions et d’objectifs communs. Même si certains animaux peuvent comprendre les objectifs et intentions des autres, seul l’être humain a la motivation de partager ces éléments pour agir avec d’autres.

Plusieurs auteurs ont fait des commentaires critiques sur cet article, affirmant par exemple que les tactiques de chasse des chimpanzés, des lions et des hyènes sont fondées sur une intentionnalité partagée. Tomasello leur a répondu en fournissant divers arguments, notamment le fait que la chasse en commun peut très bien être le résultat de l’addition d’actions individuelles plutôt que le fruit d’une intention partagée, et que seule une méthodologie de type expérimental permettrait d’éclaircir la question.

c) Les méta-outils

Autre exemple, bien que certaines espèces utilisent des outils, il ne semble pas qu’elles utilisent de méta-outil (des outils destinés à fabriquer d’autres outils). Mais tout dépend du sens que l’on donne aux mots. En effet, pour certains auteurs, les chimpanzés utilisent un méta-outil lorsqu’ils se servent d’un caillou pour stabiliser l’enclume de pierre qui leur sert pour casser des noix.

La culture comme négation de la nature

Dans son dernier livre Giorgio Agamben, philosophe italien, reprend la question de notre rapport à notre animalité, non pas comme continuité mais, au contraire, dans l'écart nécessaire à nous constituer comme humains. "Ce n'est pas la conjonction de l'homme et de l'animal qu'il faut penser mais leur séparation". En effet, "l'homme est l'animal qui doit se reconnaître humain pour l'être". Ce qui fait notre humanité c'est la conscience de ce qui nous différencie de l'animal et qu'on peut définir classiquement depuis Pic de la Mirandole par notre "dignité", c'est-à-dire par une "conscience de soi" qui est liberté et construction de soi. Il ne faut pas considérer cette conscience de soi comme le simple reflet d'une représentation de soi parallèle à la transparence des choses mais tout au contraire comme question, inquiétude, dette, manque de savoir, désir, incomplétude.

Penser c'est "être livré à quelque chose qui se refuse". Le désenchantement du monde, loin d'être le morne résultat d'une modernité achevée, ne serait ainsi qu'un processus continuel de prise de distance, de rationalisation, d'arrachement à nos fixions. La réflexion est un réveil à chaque fois renouvelé de nos rêves imaginaires, de la maya des apparences, des projections du désir. L'ouverture à l'Etre exige un détachement de cette fascination animale, que seul le langage permet en séparant le mot de l'émotion (le mot chien n'aboie pas). Seul le langage permet d'analyser sa propre pensée, de l'objectiver, l'universaliser. Il est difficile de se rendre compte à quel point le langage structure notre monde et l'unifie, l'ouvre à la temporalité par la conscience de la mort, le transforme en récit et permet d'en garder la mémoire, d'en partager le sens. Cette dimension humaine du langage est conquise sur notre animalité.

La lutte entre voilement et dévoilement "est la lutte intestine entre l'homme et l'animal". L'homme est donc le lieu d'un conflit, contre-nature, d'un effort toujours à recommencer pour s'ouvrir aux possibles et à l'universel, à la justice, au-delà de notre réalité immédiate et prosaïque, au-delà des corps. La culture se construit sur le sacrifice contre-nature, l'interdit qui noue l'animal à la parole, mais si l'homme est la question, il faut peut-être se méfier du fait que la religion se présente toujours comme la réponse.

Il y a incontestablement progrès de l'Histoire et savoir cumulatif, mais cela n'empêche pas que tout le chemin est toujours à refaire à chaque fois pour s'extraire de la fascination animale, d'un désir obnubilé, de sa propre image projetée aux yeux des autres, de son propre point de vue. C'est bien pourquoi il faut d'abord reconnaître notre nature animale, corporelle, individuelle, intéressée, ensorcelée par la pornographie des marchandises, pris dans les images et l'imitation des foules. C'est un préalable nécessaire pour s'en détacher, prendre le point de vue universel de la parole et de la raison (du divin). Le dialogue n'est pas naturel, il est même impossible, ce qui n'empêche pas qu'il soit nécessaire. Il faut sortir de soi pour rencontrer l'autre autrement que pour le séduire ou s'en servir, mais cette humanité, cette communauté du sens et du cœur est à prouver à chaque fois ("Rien n'est jamais acquis à l'homme" nous rappelle Aragon).

S'ouvrir au monde c'est sortir de ses certitudes immédiates, s'ouvrir à notre ignorance ("penser c'est perdre le fil" pour Valéry), rencontrer le réel et continuer l'apprentissage. La parole constitue notre humanité en nous détachant de notre particularité et donc de nos traditions. La modernité comme détraditionnalisation ne serait ainsi qu'une conséquence de l'universalité du langage, véritable origine de la "tradition révolutionnaire". 

De même, la philosophie doit tout au logos. Qu'est-ce qu'un philosophe ? C'est un homme sans appartenances. C'est l'étranger, l'ermite, l'arbitre désintéressé, le regard extérieur, l'homme désaffilié, échappé des préjugés locaux et qui n'a plus d'autre univers que l'universel, l'homme démocratique détaché de toute généalogie enfin, sans famille ni clan, sujet de la vérité, responsable de sa parole. Ne voit-on pas que le philosophe est l'avant-garde de la modernité, de la pensée critique tout autant que de la solitude de l'individu démocratique ?

L'homme est tout entier dans son effort de différenciation de l'animalité (L'homme est un animal qui "se reconnaît ne pas l'être", pour Michel Boccara, chercheur en sociologie et ethnologie), et sans contredire à ce processus d'arrachement au monde animal, notre humanité y reste profondément ancrée malgré tout, à travers le mythe ou le chant comme vécus qui nous renvoient au temps jadis où nous étions des animaux comme les autres, avant l'apparition d'un langage humain qui nous a rendu sourd au langage des oiseaux comme à la plupart de nos instincts. Il faut y voir le retour dans le langage de notre animalité perdue par le langage.