jeudi 27 décembre 2012

Girafe en feu - Salvador Dali (1904-1989)

Dali a peint « La girafe en feu » lors de son exil durant la guerre civile espagnole. Bien que prétendant lui-même être apolitique, « je suis Dali et rien d’autre », cette peinture trahit le conflit que créait en lui la lutte conduite sur sa terre natale. Dali peignait la couleur de nos rêves, et à travers son monde personnel, il nous livrait ses mystères. Sa technique picturale est savante, issue des grands peintres comme Raphaël ou Vélasquez. Mais l’imaginaire de Dali est libre, dégagé de toute contrainte morale.

Salvador Dali - Girafe en feu (35cm x 27 cm) 1935 - Musée des Beaux-Arts de Bâle

Les tiroirs ouverts dans la silhouette féminine bleue, que Dali appellera plus tard "la femme-coccyx", sont récurrents. Ce phénomène évoque la méthode de psychanalyse de Freud. Dali considérait cette méthode comme un pas en avant gigantesque dans la civilisation : "la seule différence entre la Grèce immortelle et notre époque est Sigmund Freud qui a découvert que le corps humain, purement néo-platonique dans la Grèce antique, est aujourd’hui plein de tiroirs secrets que seule la psychanalyse peut ouvrir" disait-il.

Les tiroirs ouverts de cette silhouette de femme, dans son échafaudage, renvoient à l’intérieur, au subconscient de l’être humain. Ils sont remplis des péchés et des complexes de l’humanité.

Selon les propres termes de Dali, ses peintures constituent «une sorte d’allégorie qui sert à illustrer une certaine conception, à explorer les innombrables odeurs narcissiques qui s’échappent de chacun de nos tiroirs» ! …

Sigmund Freud divise l’esprit humain en trois tiroirs distincts :

Le conscient

C'est le souvenir du quotidien, l'archive de l’immédiat, où nous allons chercher à chaque instant toute la mémoire utile, parmi la masse de connaissances acquises et que nous devons mettre en jeux journellement pour notre vie.

Le subconscient

C'est l'archive des souvenirs intermédiaires, qui ne sont pas utilisés au quotidien. 

Nous gardons, gravée, l'image de tout ce qui nous est arrivé durant la période vécue. Cette mémoire est souvent tellement profonde qu'il devient difficile de la remémorer. Lorsque le subconscient est stimulé, il répond toujours de façon satisfaisante, faisant ressortir et nous révélant les souvenirs passés avec beaucoup de précision.

L'inconscient

Il est appelé aussi par certains psychanalystes, souvenir de l'inconnu.

Selon Freud et par la suite Karl Gustav Jung (psychiatre Suisse), l'inconscient est défini comme "l'archive des souvenirs que nous n'arrivons pas à savoir comment nous avons pu arriver à les connaître. C'est l'archive de ce qui n'a pas été ou qui aurait été archivé".

mardi 18 décembre 2012

Anne Bachelier (1949-)

Anne Bachelier (1949-)

Anne Bachelier est une peintre et illustratrice française. Elle est née le 20 février 1949 à Louvigné-du-Désert (Ille-et-Vilaine). Après une formation de 1966 à 1970 à l’Ecole des Beaux-Arts de La Seyne-sur-Mer (Var), Anne Bachelier entre comme apprentie auprès d’un graveur de Valence. Elle y restera de 1974 à 1975. Elle utilisa d’abord la soie sur laquelle elle peignait les mêmes motifs qu’aujourd’hui. Puis, après avoir travaillé sur la décoration intérieure d’avions privés Falcon pour la firme Dassault, l’artiste va se consacrer entièrement à la peinture à l’huile. Elle vit et travaille aujourd’hui près de Grenoble. 

Sa première exposition personnelle a lieu en 1989 près de cette ville. Depuis cette date, elle a exposé plus de 40 fois seule, et participé à plus de vingt expositions collectives, notamment à New-York et à Tokyo.

A juste titre, l’œuvre d’Anne Bachelier est qualifiée de féerique, d’onirique. Certes, elle tisse un monde fantastique de fées et de chimères, mais on ne peut la réduire à la simple dimension du rêve ou de l’expérience esthétique. En effet, cette œuvre s’ancre dans les profondeurs archétypales de la psyché (au sens jungien). Elle propose un cheminement au cœur d’une interrogation existentielle essentielle.

Métamorphoses, rêves, symbolismes sont récurrents dans la peinture si personnelle d’Anne Bachelier. La magie émane des ses tableaux ainsi qu’une fantaisie échevelée. Un monde onirique à la fois doux et inquiétant, lumineux et sombre, paisible et tourmenté se déploie à travers ses toiles. Le temps ne semble avoir aucune prise sur le monde d’Anne Bachelier. Ses tableaux évoquent l’éternel cycle de transformations et régénérations, une danse exquise à laquelle prennent part ses personnages étranges. On peut admirer ses  oeuvres à Honfleur, Paris et New York.



Quelques une de ses oeuvres:


Anne Bachelier - Théâtre rêvé, format « Paysage » (162 x 114)





  

L’œuvre d’Anne Bachelier affiche une esthétique raffinée et cohérente, empruntant autant à l’Orient qu’à l’Occident. Sa palette de couleurs spécifique, son univers peuplé de chimères, la font reconnaître au premier coup d’œil. Les peintures d’Anne Bachelier peuvent se contempler avec le même bonheur de près que de loin. De près, le spectateur se laisse happer par les méandres polysémiques et polyphoniques de la toile. La poésie qui en émane, et le questionnement de la réalité qu’il induit, permet un double regard : intuitif et intellectuel. A condition d’accepter de rejeter la matérialité quotidienne et de plonger au cœur des œuvres, celles-ci forment autant de seuils ouvrant sur des univers insoupçonnés, de multiples cheminements au terme desquels le cœur régénéré ne pourra que se dilater et l’âme retrouver la voie de sa source première. Car il s’agit bien, à travers une interrogation sur la place de l’imaginaire, de la Beauté et de la Nature, d’un retour à l’Unité primordiale, exprimée notamment par l’androgynie des êtres, symbole d’ultime union des contraires. 

L’œuvre d’Anne Bachelier se situe entre les mondes, dans un univers de seuils et de portes, entre terre et ciel, entre apparence et invisible. Ce que l’artiste dépeint, c’est un Passage, un franchissement, une métamorphose des êtres s’accomplissant sous nos yeux, servis par une puissante esthétique du mouvement. C’est en contemplant ces scènes de loin que l’ampleur de la dynamique qui les anime se déploie pleinement, ce jeu savant de courbes, de contre-courbes et de contrastes, l’omniprésence du cercle aussi. Cette œuvre, loin de montrer une immobilité, représente au contraire un mouvement perpétuel, au cours duquel tout se transforme, se régénère, fluctue sans cesse.

La peinture d’Anne Bachelier nous montre des êtres qui aspirent à s’élever vers ces contrées parfaites. Elles sont l’allégorie d’une humanité cherchant à transcender sa condition. Avec Barbara King, nous découvrons dans cet univers une « Humanité rivée à la terre, aspirant à l’immortalité » (traduction libre).

Lorsqu’on lui demande d’où lui vient son inspiration, l’artiste répond : « Il y a l'enfant que j'ai été et qui demeure, avec ses rêveries et son imaginaire. Il y a ce que je vois, ce que j'entends, ce que je touche... Il y a mes émotions,… » Anne Bachelier est habitée par une capacité que seuls possèdent les véritables artistes : celle de transfigurer ses propres émotions et expériences personnelles en art de portée universelle. Celle d’offrir une œuvre si envoûtante que son empreinte, dans le cœur du spectateur, demeure indélébile.

Extrait du site: http://www.le6ereve.fr  par SOFY T. HEMERY
  

jeudi 13 décembre 2012

Relever le défi de la mort - Jean Garneau (1941-2005)

Les conséquences du déni

Pour mieux comprendre l'importance de relever le défi existentiel que la mort nous présente, rien n'est plus éloquent d'une bonne compréhension des conséquences qu'entraîne le déni de cette réalité.

Un style personnel

C'est une organisation d'ensemble de la personnalité et de la façon de vivre qui est nécessaire pour maintenir un déni existentiel comme celui de la mort. Voyons d'abord un exemple qui permet d'illustrer les composantes essentielles de ce style personnel.

Michel porte apparemment depuis toujours une inquiétude sourde qui lui rend la vie difficile à porter. Il ne sait pas à quoi l'attribuer et considère qu'elle relève probablement de son héritage génétique car il ne parvient pas à la relier à une situation ou un événement. Jamais il ne croirait que cette insécurité ait un rapport avec une peur de la mort car c'est une question à laquelle il ne pense jamais.

Michel est toujours surpris pas ses fortes réactions lorsqu'il doit vivre une séparation. Même les adieux entre personnages de films le touchent au cœur. Il devient facilement ému lorsque son équipe de travail fête le départ d'un employé; à un tel point qu'il cherche maintenant à éviter ou abréger en se durcissant toutes les situations du genre.

Il agit de la même façon en famille: il évite autant que possible les situations où il faut se séparer. Lorsqu'il doit partir en voyage, les adieux sont terminés avant d'avoir commencé tellement il part rapidement. Il a même refusé une promotion très intéressante parce qu'elle l'aurait amené à partir une semaine par mois. Il refuse avec une impatience qui l'étonne lui-même d'accorder aux enfants le chien qu'ils lui demandent. Il prétexte qu'ils sont trop jeunes pour s'en occuper, mais en réalité, il veut les empêcher de s'attacher à un animal pour leur éviter la peine qu'ils auraient au moment de s'en séparer.

Il y a plusieurs années, il est devenu très fervent dans sa religion. Lui qui n'avait jamais été tellement intéressé aux "histoires de curés", il s'est mis à prier et à lire la Bible assidûment depuis la mort de son père. Il ne s'en aperçoit pas clairement, mais c'est à celui-ci qu'il s'adresse lorsqu'il prie. En fait, il trouve que sa communication avec son père est meilleure maintenant que lorsqu'il était vivant.

Ses frères le taquinent parfois sur son étonnante "conversion". Mais ils ont plusieurs fois constaté qu'il se fâche violemment lorsqu'on aborde cette question; ils en sont venus à éviter généralement le sujet ainsi que toutes les autres questions qui touchent la religion, la mort de leur père, la guerre et le divorce. L'un d'entre eux a, depuis un bon moment, l'habitude d'avoir un empêchement chaque fois que Michel participe à une activité en famille. Ce dernier ne voit pas en quoi il contribue à ces absences de son frère. Il ne fait pas le lien avec les prétextes que ses collègues invoquent pour refuser ses invitations.

Michel est malheureux dans son travail; il occupe un poste plutôt intéressant dans une firme d'avocats, mais il déteste presque tout ce qu'il doit y faire. Il n'aime pas les bagarres verbales du tribunal et s'ennuie à mourir dans la rédaction de contrats et les recherches. Il tient le coup tant bien que mal, mais il est stressé et craint que son remède favori en fasse un alcoolique. Il ne peut envisager une réorientation, car il a promis à son père, peu avant sa mort, de compléter ses études en droit et de réaliser pour lui ce rêve auquel il n'avait jamais renoncé.


Cette illustration est bien sommaire malgré sa longueur. Pour donner une image adéquate, il faudrait rendre compte de toute la cohérence interne d'une vie organisée autour du déni d'une réalité qui n'est jamais visible. Et comme le déni n'est remarquable que par son absence généralisée, il n'est pas facile de décrire les gestes et les événements qui en découlent.

Il faut comprendre aussi que le déni existentiel est toujours un geste de survie individuel. A ce titre, il est chaque fois une création unique de la personne qui en a besoin pour maintenir son équilibre. Il est donc impossible de choisir un exemple "typique". Il faudra nous satisfaire de cette illustration pour supporter notre compréhension des diverses dimensions de l'expérience typique de la personne qui nie la mort.

En somme, l'évitement d'un défi existentiel se caractérise surtout par des expériences subjectives sur lesquelles la personne évite autant que possible de s'arrêter. Celles-ci sont les effets du déni, ses conséquences, et non le déni lui-même. Car le déni existentiel demeure toujours invisible jusqu'à ce qu'il soit ébranlé par une confrontation imposée de l'extérieur.

Une insécurité fondamentale

La principale conséquence du déni, c'est l'insécurité plus ou moins insaisissable qui prend une place importante dans la vie de la personne. Il s'agit d'une inquiétude sans objet, d'un vague sentiment de vulnérabilité qui est toujours présent, mais demeure sous-jacent aux réalités psychiques qui composent la vie quotidienne consciente.

Michel porte apparemment depuis toujours une inquiétude sourde qui lui rend la vie difficile à porter. Il ne sait pas à quoi l'attribuer et considère qu'elle relève probablement de son héritage génétique car il ne parvient pas à la relier à une situation ou un événement.

Cette insécurité est profondément ancrée dans la façon de vivre de la personne. Tellement enracinée qu'elle fait partie de son état normal, de son identité la plus fondamentale. C'est pour cette raison que l'insécurité demeure presque toujours invisible pour la personne qui la vit comme pour son entourage.

Subjectivement, cette insécurité apparaît plutôt comme un malaise diffus. C'est sa disparition qui permet, après coup, d'en déceler la puissance réelle. En fait, la personne n'en mesure l'importance et l'ampleur que lorsqu'elle a confronté avec succès la réalité de la mort telle qu'elle s'applique à sa vie.

Une fuite constante

Cette insécurité demeure invisible tant qu'elle est neutralisée par une fuite efficace de la réalité existentielle qui en est la source. Si l'évitement de la mort (comme réalité faisant partie de la vie) est réussi, le vague malaise fondamental est le seul signe tangible. Les formes de déni que j'ai présentées dans "La mort: un défi de la vie" correspondent à des versions plus typiques de cet évitement systématique.

La fuite prend donc une forme particulière qui correspond à une tentative individuelle d'adaptation devant une réalité inacceptable. Mais quelle que soit cette forme, elle représente toujours une source sécurité pour répondre à l'inquiétude de fond. Et même si cette sécurité est artificielle et illusoire, elle demeure très précieuse. C'est sa fragilité qui fait qu'on la défend si vigoureusement dès qu'elle est ébranlée.
Michel se fâche chaque fois qu'on aborde la question de sa "conversion", Ses frères en sont venus à éviter généralement le sujet ainsi que toutes les autres questions qui touchent la religion, la mort de leur père, la guerre et le divorce. De façon tout aussi systématique, il s'impatiente chaque fois que les enfants mentionnent qu'ils voudraient un chien.

La fuite prend deux formes principales: l'angoisse et la révolte. Si la mort imprévue d'une personne qu'on connaît, une tragédie naturelle ou une séparation quelconque nous rappelle cette réalité que nous refusons, c'est d'abord une angoisse intense qui prend place en nous, peut-être accompagnée d'une tristesse soudaine qui semble prête à nous submerger. La colère ou la révolte viennent habituellement ensuite, pour tenter de rétablir un équilibre instable que la vie venait de déranger. Au fond, cette agressivité cherche à neutraliser le message troublant en éliminant le messager qui l'apporte.

Et dans le cas où c'est une personne particulière qui provoque ce déséquilibre, l'indignation ou le mépris virulent deviennent les méthodes de fuite les plus probables.
  
Une rigidité défensive

La rigidité est une conséquence directe de l'insécurité et de la fuite dont il est question ci-dessus. L'évitement devient un mode de vie: il se traduit par une série d'habitudes dont le but le plus fondamental est de contourner les situations où la réalité de la mort se manifesterait.

Éviter les situations où une relation prend fin, abréger au maximum les séparations lorsque quelqu'un part en voyage, éviter les personnes âgées de peur d'avoir à s'en séparer, refuser de s'attacher pour ne pas souffrir de la séparation, etc. Toutes ces façons d'agir peuvent devenir typiques d'une personne parce qu'elles sont des comportement automatiques qu'on en vient à prévoir facilement.

Cette façon de maintenir son équilibre défensif manque évidemment de souplesse. La façon d'agir dépend plus de l'évitement d'une réalité conflictuelle que des caractéristiques particulières à chaque situation. C'est ce qui rend le comportement facilement prévisible et c'est ce qui empêche la créativité nécessaire à une adaptation réussie.

Par son caractère rigide, inflexible et stéréotypé, cette méthode de protection entretient l'insécurité et la menace qui en sont la source. Tout comme le skieur débutant est condamné à l'inefficacité par la rigidité que lui impose sa peur, la personne qui nie cette réalité existentielle perd les moyens qui lui permettraient de faire face au défi réel que constitue la mort. C'est ce qui la condamne à s'accrocher désespérément à son déni jusqu'à ce que les événements de la vie l'obligent à y faire face malgré une panique envahissante.
  
Un bilan angoissant

Mais finalement, le pire prix à payer pour cet évitement systématique, c'est l'appauvrissement qui découle de la fuite et de la rigidité: une existence où la vie ne peut s'épanouir vraiment. Accrochée au passé, occupée à fuir la tristesse toujours possible, forcée à contourner les situations qui pourraient rappeler la mort, obnubilée par ses liens avec des personnes disparues, la personne gaspille une large partie de sa vitalité et des satisfactions qu'elle pourrait tirer du présent et des personnes qu'elle côtoie.

C'est donc un bilan de plus en plus sombre qui attend la personne dont l'équilibre s'appuie sur le déni de la mort: le constat d'une vie sacrifiée à cette fuite stérile. C'est pourquoi il est très difficile de relever le défi, surtout s'il a duré longtemps. On préfère facilement continuer dans la même voie: se sacrifier pour une autre vie plus satisfaisante, s'illusionner sur la communication qu'on entretient avec un être disparu, s'ingénier à assujettir ses descendants, continuer à défier le danger...    
Solitude, Cimetière du Père Lachaise, Paris

Comment relever le défi existentiel de la mort

Il faut un motif important pour que nous prenions la peine de tenter de nier une réalité aussi évidente que la mort. Il n'est pas étonnant que nous trouvions particulièrement difficile de renoncer à l'illusion du déni pour relever le défi.

C'est seulement en reconnaissant la réalité inévitable de la mort et ses principales implications qu'on peut espérer y parvenir. Mais pour cela, il faut d'abord reconnaître la valeur primordiale de la vie. Il faut également reconnaître que la mort est profondément tragique parce qu'elle est définitive. Enfin, on doit accepter que sa propre mort soit absolument inévitable mais que le moment en reste imprévisible.

C'est le fait de constater que ces réalités sont inscrites dans l'existence de chaque individu qui permet de dépasser l'angoisse envahissante. Voyons les étapes les plus typiques de cet exigeant et intense cheminement.

L'abandon de l'illusion

Pour la personne qui refuse d'intégrer la mort dans sa vision de sa vie, la confrontation de son déni ébranle un pilier important de sa sécurité intérieure. Il faut des événements importants pour percer cette armure défensive et installer un doute à la place du refus. Ceci n'arrive pas sans des moments d'angoisse intense où la personne se sent profondément menacée, un peu comme si son existence ou son équilibre psychique était en danger.

Ce sont donc des événements très chargés qui nous amènent à quitter la sérénité apparente du déni solidement installé: la mort d'un être particulièrement cher, une événement dramatique qui nous touche de près, une menace directe à notre propre survie ou une perte majeure. Ces événements nous forcent à ouvrir les yeux et à renoncer à notre illusion. Ce n'est pas vraiment un choix; c'est plutôt une capitulation devant l'évidence que la vie nous impose.
  
La négociation

Notre façon de réagir peut changer à compter du moment où la question existentielle a commencé à s'imposer à nous malgré nos objections. Nous commençons alors à reconnaître que la mort est vraiment un problème important qu'on ne peut plus évacuer en s'appuyant sur nos anciennes méthodes. C'est un moment de trouvle, d'inquiétude, d'angoisse énorme et de profonde révolte, souvent chargé aussi d'une bonne dose de désespoir.

Essentiellement, cette étape sert à explorer la réalité de la mort afin de découvrir quelle place lui revient vraiment dans notre vie. Il s'agit d'abord de consentir assez pour éprouver toutes les émotions que le déni cherchait à neutraliser: de regarder cette pénible réalité en face, en respectant les réactions qu'elle provoque en nous.

En somme, il s'agit de reconnaître chaque moment où la question de la mort se pose à nous et d'accueillir toutes nos réactions devant cette question. On peut considérer qu'il s'agit d'un genre de négociation car les réactions vont naturellement à l'encontre du constat qui les provoque. Dans ce jeu de force, nous tentons de respecter les deux pôles: vivre lucidement les réactions tout en continuant à constater la réalité de la mort.

Cette phase peut durer assez longtemps, même des mois ou des années. Tout dépend de la fréquence des occasions d'y travailler que nous saisissons ainsi que de l'attention que nous accordons à nos réactions. Comme il s'agit d'une expérience émotive intense, les limites de notre capacité de tolérer cette intensité sont également importantes pour nous forcer à ralentir le rythme de cette confrontation.

Le consentement

C'est pendant l'étape de négociation que s'installent les bases du consentement. Peu à peu, on accepte davantage la réalité de la mort dans notre vie et on en admet les implications ou les conséquences. À travers les moments de désespoir et de révolte, on s'habitue progressivement à l'idée d'avoir une seule vie, une vie dont la durée est limitée et inconnue. On abandonne l'une après l'autre les tactiques de déni qui servaient à nous illusionner et nous aidaient à repousser l'angoisse, le désespoir et la révolte que nous vivons maintenant de plus en plus clairement.

Cette étape de consentement est l'occasion d'un profond changement dans notre vision de la vie, de nos valeurs et de notre identité. La vie, particulièrement la nôtre, prend une place centrale parmi nos valeurs. La satisfaction et le présent deviennent des priorités qu'on n'accepte plus de sacrifier à la moindre occasion. On commence alors à obtenir les fruits de la difficile confrontation qui s'achève: une vitalité auparavant inatteignable, une soif de vivre qui nous anime et nous oriente, et surtout une nouvelle sérénité.


Paul Cézanne - Nature-morte aux trois crânes (1900), huile sur toile, 34×60cm, Detroit Institute of Arts, USA


Les effets de la confrontation réussie

Voici comment pourrait s'exprimer une personne qui aurait bien relevé le défi de la mort.

"Je suis vivant. J'ai une seule vie et elle se terminera infailliblement par ma mort. Il n'y a rien d'aussi précieux et important pour moi que cette unique vie, cette seule chance que j'ai de vivre, une fois pour toutes.

Je veux être complètement vivant, profiter au maximum de ces quelques années dont je dispose; c'est la seule façon de rendre ma mort acceptable, même si ça la rend en même temps plus tragique et plus absurde. Et dans ma vie, le plus important c'est de poursuivre et d'atteindre ma satisfaction. C'est seulement l'accumulation de satisfactions importantes qui peut me garder serein devant ma mort.

Tout ce qui nuit à ma recherche de satisfaction est un obstacle qui diminue la valeur de ma vie. Rien ni personne n'a assez d'importance pour me faire renoncer à ma vie ou à un de ses moments; rien ne mérite que je sacrifie ma satisfaction personnelle ou la mobilité qui la rend possible.

En acceptant que ma mort est inévitable et imprévisible je suis poussé de l'intérieur à vivre davantage. Je veux, dès maintenant, en exploiter chaque instant comme unique et précieux
."

La conséquence la plus importante d'une confrontation réussie de la mort, c'est une restructuration de nos valeurs. A un point tel qu'on peut avoir l'impression d'une inversion du système de valeurs de la personne qui vient de compléter cette démarche.

Sommairement, on pourrait dire que cette personne commence à accorder la priorité aux forces de vie qui étaient jusque là négligées en elle; elle cesse de les subordonner aux objectifs de sécurité, aux missions collectives, au besoin d'approbation, à la peur des reproches et des ruptures. Il ne s'agit plus de durer longtemps ou d'atteindre dans un avenir lointain un bonheur définitif. Son but primordial, au contraire, est de vivre le plus complètement possible, dans l'immédiat, une vie riche axée sur des satisfactions de qualité.

Ce n'est pas une façon de se rendre la vie facile; c'est vers une vie riche, pleine, intense et en mouvement continuel que tend cette personne. Car elle a découvert que c'est la meilleure façon d'obtenir un bilan suffisamment positif au terme de sa seule vie.

La satisfaction est au coeur des forces qui orientent cette personne. Elle fait de sa satisfaction immédiate et à court terme un critère fondamental dans l'évaluation de ses actions. Mais il ne s'agit pas d'une simple recherche du plaisir immédiat; c'est d'une satisfaction de qualité qu'il s'agit. Une satisfaction où les valeurs ont une place importante, particulièrement le respect de sa vie et de celle des autres.

Même dans la poursuite d'objectifs à long terme, la satisfaction actuelle en cours de route occupe une place de choix. Il n'est plus acceptable de sacrifier sa vie présente à un objectif important qui ne sera atteint que plus tard. Il faut que la satisfaction fasse aussi partie du voyage: satisfaction de résoudre des problèmes et de franchir des obstacles, plaisir de grandir et de repousser ses anciennes limites, à tout le moins un net sentiment de progresser vers l'objectif qu'on a choisi.

Source: article de Jean Garneau tiré du magazine électronique "La lettre du psy"
  

mardi 30 octobre 2012

Petit manifeste du rebelle engagé - Fabien Rodhain (1966-)

Le petit manifeste du rebelle engagé - Editions Jouvence
Si ce que vous entendez aux infos vous irrite (vous aussi) la plupart du temps ; s'il vous semble que vous évoluez (vous aussi) dans un monde qui marche sur la tête ; si (vous aussi) les incohérences des sociétés vous incommodent ...

Et surtout si vous ne souhaitez pas céder à la sinistrose et sombrer dans le fatalisme, alors le Petit manifeste du rebelle engagé est fait pour vous ! Ce livre, véritable petit objet militant vous incitera à participer à changer le monde, à travers cinq clés de réflexion et d'action pragmatiques. Pour s'indigner utile !

" Un véritable traité d'indignation positive ! "

Comment être rebelle aux incohérences de notre monde - qui semble marcher sur la tête - sans sombrer dans la sinistrose râleuse et mortifère qui afflige la plupart des pays occidentaux ?

En choisissant de rejeter le mensonge qui domine le monde depuis trop longtemps. En avançant sur le chemin de son propre bonheur, et en le rayonnant autour de soi. En agissant, chacun à son endroit, de manière positive et concrète. Au fond, en se responsabilisant pour embellir sa vie et changer le système !

Telle est la proposition de l'auteur, à travers trois clés de réflexion et d'action pragmatiques.

 
Fabien Rodhain

Fabien Rodhain est un auteur français vivant en Rhône-Alpes, né en 1966 à Metz (Moselle). Il effectue des études initiales en informatique. Après cinq ans dans l'armée, il exerce le métier d'informaticien jusqu'à la trentaine, où il devient manager.

En 2003, âgé de 37 ans, il décide de réorienter sa vie professionnelle autour de ce qui lui plaît vraiment. Il se forme alors à l'exercice de la relation d'aide et du développement personnel. Il devient coach professionnel, avec une spécialité dans l'accompagnement collectif.

Désireux de transmettre à un public plus vaste ses convictions et les outils de développement humain qu'il maîtrise (en particulier la Programmation Neurolinguistique), il se lance en 2005 dans l'écriture de son premier roman, qui verra le jour en octobre 2008.

A la même époque, il lance le concept des lettres positives.

Plusieurs thèmes sont récurrents dans l'écriture de Fabien Rodhain: l'évolution humaine et la capacité de chacun à se créer sa réalité, le combat contre les dérives d'une médecine exclusivement occidentale et l'importance de la médecine intégrative, le besoin de rompre avec le système économique actuel et le militantisme pour la protection de l'environnement, le refus d'aliénation de l'être humain par la consommation et la force de la psychologie positive.

Il donne des conférences sur ces thèmes. 

Site internet: ici

dimanche 21 octobre 2012

Sommes-nous trop nombreux sur la planète?

6,7 milliards d'humains aujourd'hui, et peut-être plus de 9 milliards en 2050. La Terre sera-t-elle capable de nous accueillir tous ?

L'assiette, d'abord. Les projections fournies par l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) montrent l'ampleur du défi. Les besoins en nourriture de l'Asie et de l'Amérique du Sud doubleront d'ici au milieu du siècle. L'Afrique - qui pourrait voir sa population doubler - devra quintupler ses récoltes pour espérer nourrir chacun décemment. Le milliard de Terriens qui souffre de malnutrition vit sur ces trois continents, où les nations auto-suffisantes se comptent sur les doigts d'une main. L'agriculture et la déforestation sont déjà responsables de près du tiers des émissions humaines de gaz à effet de serre.

L'énergie ensuite. Le scénario de référence de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit qu'il faudra augmenter la production énergétique planétaire de plus de 50% d'ici à 2030, et presque doubler la production d'électricité. Sans une transformation radicale de notre manière de fabriquer et de consommer l'énergie (révolution très hypothétique), l'AIE souligne que l'essentiel de cette croissance sera alimenté par les trois énergies les moins chères, les plus faciles à mettre en œuvre et... les plus polluantes: le pétrole (+41%), le gaz naturel (+68%) et le charbon (+103%). Trois sources, bien entendu, non-renouvelables. Si ce chemin est suivi, l'AIE table sur un doublement des émissions de gaz à effet de serre liées à l'énergie dans moins d'une génération.

Petit rappel: "l'empreinte écologique" des humains excéderait déjà de 30% la capacité biologique de la Terre à se régénérer. Si toute l'humanité adoptait le mode de vie des pays les plus riches, il faudrait entre 3 et 5 planètes pour subvenir aux besoins de tous.

Avec 2,5 milliards d'habitants supplémentaires dans moins de cinquante ans - dont il y a fort à parier que la plupart aspirera bêtement à manger de la viande tous les jours, à prendre l'avion quand ça lui chante, à disposer d'une automobile et d'une résidence secondaire -, comment l'état de la planète pourrait-il ne pas empirer ? Peut-être jusqu'à une rupture.



Malthus avait-il raison avant tout le monde ?

Depuis plusieurs décennies, un très grand nombre de spécialistes de l'environnement considèrent la surpopulation comme le danger n°1. "Vous prenez tous les problèmes que l'humanité pose à la planète aujourd'hui, et vous augmentez leur intensité de 50 %, soit l'équivalent du passage de 6 à 9 milliards d'habitants", résume le Britannique James Lovelock, 90 ans, l'un des pères de l'écologie.

Avec beaucoup d'autres, ce monsieur prêche le retour aux thèses d'un autre Britannique, mort au début du XIXe siècle: le révérend Thomas Malthus, qui défendait une politique de sévère contrôle des naissances, pour répondre aux limites des ressources de la Terre. "Je pense que Malthus avait raison, soutient Lovelock aujourd'hui. A l'époque où il écrivait, en 1800, il n'y avait qu'un milliard d'habitants sur Terre. Si on avait suivi ses conseils, on n'aurait pas tous les problèmes auxquels nous devons maintenant faire face". 

Logique déboussolante

James Lovelock dirige l'"Optimum Population Trust", un groupe de réflexion qui s'applique à démontrer à quel point nous serions déjà trop nombreux sur le navire. Attention, la démonstration fait froid dans le dos. Si l'on part du constat que l'empreinte écologique de l'humanité est de 30% trop élevée, alors cela signifie, calculette en main, que la population optimale de la planète se situerait aux alentours de 3,6 milliards d'habitants, CQFD. En fait, plus un pays est riche, plus sa population aurait "intérêt" à être plus faible. Dans les chiffres de cette répartition de population idéale, cela donnerait 659 millions d'habitants pour l'Inde contre un peu plus d'un milliard aujourd'hui, ou 47 millions d'habitants pour les Etats-Unis, soit six fois moins qu'aujourd'hui.

Et la France ? La logique déboussolante de Lovelock - et des démographes anglo-saxons de premier plan qui collaborent avec lui - aboutit au chiffre de 20 millions de personnes, trois fois moins que la population actuelle. Tout s'explique en fait: d'après les calculs d'empreinte écologique, 3 planètes seraient nécessaires si toute l'humanité consommait autant que les Français... Les "mises en garde" de James Lovelock ont des échos en France. Déjà en 1992, dans les colonnes du Nouvel Observateur, notre Commandant Cousteau national jugeait qu'il eût été heureux que la population mondiale puisse être ramenée à "600 ou 700 millions de personnes, d'un coup de baguette magique".

Aux Etats-Unis, ce rôle est occupé depuis maintenant plusieurs décennies par Lester Brown. Le président du World Watch Institute, 75 ans, estime que la population n'atteindra jamais 9 milliards d'habitants. "Les sytèmes vont commencer à s'effondrer bien avant", lance cette figure mondiale de l'écologie politique, "et peu importe si c'est d'abord à cause de l'eau, du changement climatique, des agrocarburants ou du déclin prochain des réserves de pétrole. Chacun de ces facteurs est capable de précipiter une crise alimentaire globale et durable".

Point de départ du raisonnement: si le nombre d'humains a doublé depuis 1945 (une croissance sans précédent dans l'histoire), c'est grâce à la mécanisation de l'agriculture, qui a permis de tripler les récoltes mondiales de céréales. Alors qu'est-ce qui empêchera la population mondiale de prendre le chemin inverse, à coup de famines, d'épidémies et de guerres, si l'eau ou le pétrole commencent à manquer, questionne Lester Brown. Il est difficile de lui dénier un certain crédit. En effet, l'agronome américain fut l'un des organisateurs de la "révolution verte", qui a mis un terme à la plupart des grandes famines endémiques dans les années 1960, grâce à l'introduction des machines agricoles et les engrais chimiques dans les pays du Sud.

Une population mondiale vouée au déclin ? Terrain glissant. Bien entendu, ni Lovelock ni Brown, ni les adeptes de la décroissance n'agitent le spectre de l'holocauste. L'"Optimum Population Trust" se donne pour but de "sensibiliser le public à la question de la surpopulation". N'empêche. Ses calculs font le délice des zozos californiens du "transhumanisme", qui appellent à l'avènement d'une race supérieure génétiquement améliorée. Et les fascistes du British National Party en sont également friands.

En France, Serge Latouche, l'un des piliers de la décroissance, signait en 2005 une tribune inquiète dans Le Monde diplomatique. Son titre: "Ecofascisme ou écodémocratie, vers un programme politique de la décroissance"... 


Tous convertis à la politique de l'enfant unique ?

La politique de "l'enfant unique", lancée par la Chine en 1978, est la plus belle des réussites en matière de contrôle de la natalité. Grâce à elle, Pékin affirme s'être "évité" la naissance de 400 millions d'enfants. Zhang Weiqing, responsable du planning familial chinois, s'en réjouit: "L'objectif d'assurer au peuple chinois une vie relativement confortable n'aurait pas pu être réalisé si nous avions 400 millions de personnes supplémentaires".

 
Mais à quel prix ? Plusieurs rapports d'ONG ont fait état de campagnes de stérilisations forcées. Et puis la politique de l'enfant unique entraîne un grave effet secondaire: elle pousse des millions de Chinoises à avorter lorsqu'elles sont enceintes d'une fille, car les enfants mâles sont seuls garants de la transmission de l'héritage. Aujourd'hui, la Chine compte 124 naissances de garçons pour 100 bébés filles.

Souvenirs de campagne de stérilisation

A l'opposé, l'Inde, l'autre poids lourd de la démographie mondiale, n'a jamais réussi à maîtriser l'expansion de sa population. Dans la démocratie indienne, l'idée de limiter les naissances et de recourir à la contraception passe mal. L'opinion publique conserve un souvenir effaré des campagnes de stérilisations forcées décrétées par Indira Gandhi à la fin des années 1970. Du coup, la politique de maîtrise de la fécondité prônée par New Delhi est aussi douce qu'inefficace aujourd'hui. Dans les bureaux du planning familial, on se contente souvent d'offrir des fascicules. Un responsable du planning familial de l'Etat du Maharashtra, dans l'ouest du pays, expliquait récemment à la BBC: "Il faut des années de dialogue constant avec une famille pour espérer la convaincre qu'elle a intérêt à recourir à la contraception".

La Chine - 1,275 milliard d'habitants - a à peu près stabilisé la croissance de sa population. Les Indiens, eux, devraient être 500 millions de plus en 2050, d'après l'ONU, et atteindre une population supérieure à 1,5 milliard d'habitants. Le démographe Hervé Le Bras, de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, ne brocarde pas New Delhi pour son incapacité à maîtriser les naissances: "En démocratie, en Inde ou en France, les politiques publiques ont un impact très restreint, qu'elles soient anti ou pro-natalistes. A part les Chinois, personne au monde ne choisit de faire ou de ne pas faire d'enfants en fonction de la réglementation en vigueur".

La contraception, très efficace contre le CO2

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il serait 4 à 5 fois plus efficace d'investir dans le planning familial plutôt que dans les technologies peu émettrices de C02. Ce résultat surprenant est avancé par l'"Optimum Population Trust", un groupe de réflexion anglo-saxon qui prétend calculer la population "optimale" de la planète. Selon ce think tank malthusien, réduire d'une tonne les émissions de CO2, coûte 7 dollars si on finance la contraception, contre 24 dollars si on investit dans l'éolien, 51 dollars dans le solaire ou encore 83 dollars dans la séquestration du gaz carbonique.

C'est simple hélas, et ça ne coûte pas cher: moins on est nombreux à émettre, moins on émet... Le rapport a été publié en août par la prestigieuse London School of Economics. Le directeur de l'Optimum Population Trust, Roger Martin, conclut que "la question de la population doit maintenant être intégrée aux négociations du sommet de Copenhague sur le climat en décembre".

Par la voix de son ministre de l'Environnement, l'Inde a répondu immédiatement: pas question !


Et si la croissance de la population ralentissait d'elle-même ?

Les humains font de moins en moins d'enfants. Partout, la fertilité décroît rapidement, plus rapidement que les démographes ne l'avaient prévu. Dans plus de la moitié des pays du monde, on compte aujourd'hui moins de 2 enfants par femme. Le Brésil, l'Indonésie, le Mexique ou encore l'Iran sont passés d'une moyenne supérieure à 5 enfants dans les années 1960 à un peu plus de 2 aujourd'hui.

"C'est une surprise", note le démographe Hervé Le Bras, "et il est aujourd'hui vraisemblable que la population mondiale se stabilise avant 2050 plutôt autour de 8 milliards d'habitants, et non 9 milliards comme on le prévoit jusqu'ici". Seule l'Afrique conserve une moyenne de 5 enfants par femme. Mais là aussi, la fertilité est en baisse rapide, et pourrait être inférieure à 3 enfants par femme en 2050, d'après l'ONU.
Perspectives d'évolution de la population mondiale par continent jusqu'en 2050 (O.N.U.)


Les pénuries actuelles seront-elles les guerres de demain ?

Résumons. Les écologistes hurlent que nous sommes déjà trop nombreux. Les démographes répondent qu'on n'y peut rien. Pour les seconds, la population mondiale se stabilisera d'elle-même, mais à un niveau que les premiers estiment totalement insoutenable.

Insoutenable, vraiment ? Où sont les preuves ? Existe-t-il aujourd'hui des signes montrant que la croissance de la population heurte la limite des ressources naturelles ?

Dans leur vaste majorité, les 2,5 milliards de Terriens supplémentaires attendus pour le milieu de notre siècle seront issus de régions du globe où les réserves en eau et en terre cultivables s'amenuisent déjà de façon inquiétante.

Il y a une génération, en Inde, les paysans du grand Etat agricole du Gujarat se servaient de seaux pour remonter l'eau de leurs puits à quelques mètres sous terre. Aujourd'hui, ils ont recours à des pompes électriques pour aller puiser l'eau à 300 mètres de profondeur. Dans le nord du Gujarat, les nappes phréatiques baissent de 6 mètres par an, parfois plus. Les petits paysans indiens ont installé 21 millions de pompes électriques dans tout le pays, et 1 million de plus seraient mises en service chaque année.

"Le phénomène échappe à tout contrôle", prévient Tushaar Shah, directeur du centre d'étude de l'Institut international de management de l'eau. Cet expert indique qu'au moins un quart des terres agricoles indiennes sont irriguées par des réserves souterraines surexploitées qui pourraient se retrouver à sec dans les prochaines décennies. "Dans de nombreuses zones, l'eau récupérable devrait être épuisée dans moins de dix ans", insiste l'hydrologue. "Quand on atteindra la limite, une anarchie sans nom se répandra dans l'Inde rurale", prophétise Tushaar Shah.

Dans les plaines céréalières du nord de la Chine, l'agriculture pompe chaque année 30 km3 d'eau souterraine que les pluies ne remplacent pas. Le niveau des nappes phréatiques plonge aussi au Penjab pakistanais, une région qui fournit 90% de la nourriture à ce pays au bord de la guerre civile, où vivent 140 millions de personnes, et qui est censé abriter 348 millions d'habitants en 2050.

 Des prairies devenues désert

Au Nigeria, la surexploitation des terres transforme en désert les prairies et les champs de l'Etat le plus peuplé d'Afrique, 114 millions d'habitants aujourd'hui, 258 millions en 2050 d'après l'ONU.

Est-ce un hasard si les tensions entre éleveurs musulmans et cultivateurs chrétiens sont de plus en plus fréquentes et meurtrières ? Le correspondant du New York Times témoigne: "Au cours des dernières années, le désert s'est étendu, les arbres ont été abattus à mesure que les populations d'éleveurs et de cultivateurs grimpaient en flèche. La concurrence pour la terre n'a fait que s'amplifier".

Autre exemple, effrayant, hautement polémique: le Rwanda, où les massacres inter ethniques ont fait 800 000 morts en 1994. Lester Brown, le mentor de l'écologie aux Etats-Unis, l'affirme: "Le Rwanda est devenu un cas d'école prouvant comment une pression démographique croissante sur un territoire peut dégénérer en tensions politiques, en conflits, en tragédies". En appui de sa thèse, le président du World Watch Institute cite un ex-ministre de l'Agriculture Rwandais. En 1990, lames Gasana déclarait que "sans de profondes transformations de son agriculture, (le Rwanda) sera incapable de nourrir convenablement sa population, compte tenu de son taux de croissance actuel".

En 1950, la population rwandaise s'élevait à 2,4 millions d'habitants. En 1993, elle avait triplé pour atteindre 7,5 millions, faisant du Rwanda le pays le plus densément peuplé d'Afrique. Lester Brown développe: "Dès 1989, presque la moitié des terres cultivées du Rwanda se situaient sur des pentes de 10 à 35 degrés. Des pentes aussi fortes sont universellement considérées comme incultivables".

Faire de la pression démographique la seule et unique cause de l'un des pires génocides du XXe siècle serait imbécile. Mais comment exclure qu'elle en ait été l'un des ressorts ? Depuis, le conflit du Darfour est venu rappeler quelles atrocités peuvent être commises afin de s'approprier les terres qu'occupe le voisin. Alors comment ne pas redouter que l'expansion de la population mondiale produise de nouveaux Darfour, de nouveaux Rwanda ?



Où iront les humains supplémentaires ?


Il y a aujourd'hui autant d'urbains que de ruraux sur Terre: 3,35 milliards de personnes, c'est-à-dire plus que la totalité de la population mondiale lorsque le général De Gaulle était élu président de la République.

La Terre comptera 2,5 milliards d'êtres humains en plus d'ici à 2050, selon les Nations unies. Et ce sont les villes qui absorberont la TOTALITÉ de l'accroissement... et même plus. Elles pourraient gagner 3,1 milliards d'habitants d'ici à 2050. Dans le même temps, les régions rurales devraient se vider, et compter 600 millions de personnes de moins qu'aujourd'hui. D'après l'ONU, sur 9,2 milliards de Terriens en 2050, 6,4 vivront dans des villes.

Urbains, trop urbains. Pour la majorité des nouveaux habitants des villes, en Asie (+ 1,8 milliard), en Afrique (+ 900 millions), et en Amérique latine (+ 200 millions), il y a gros à parier que ces cités soient des bidonvilles. En Chine, 37% de la population urbaine habite dans des taudis, 55% en Inde, 84% au Bangladesh, 73% au Pakistan, 39% en Égypte, 79% au Nigeria, 36% au Brésil ou encore 68% au Pérou. Près d'un Mexicain sur cinq habite la ville de Mexico.

Bidonville Dharavi, ville de Mumbai, Inde

Seigneurs des taudis

L'exode rural n'a jamais été aussi intense. Il faudra des centaines de Dickens, de Hugo, de Gorki pour rendre compte d'un phénomène sans commune mesure avec celui qu'a connu l'Europe après la révolution industrielle. Le développement du Caire, en Egypte, avale 30 000 hectares par an. Une superficie équivalente à celle des terres irriguées grâce au barrage d'Assouan.

Sur 500 000 personnes qui s'installent chaque année à New Delhi, au moins 400 000 échouent dans un bidonville. Dans une tribune publiée en août par "le Telegraph" de Calcutta, intitulée: "Proche du point de rupture: l'Inde doit faire face aux dangers de son hyper-population", on peut lire: "Puisque les habitations normales sont devenues inabordables pour les vagues de migrants qui débarquent dans la ville, un nombre énorme de taudis illégaux pousse partout (...) et une nouvelle classe de seigneurs des taudis peut exercer son pouvoir par la peur, l'extorsion et l'intimidation, devenant des pôles de pouvoirs alternatifs, en route pour être les leaders politiques de demain".

Bidonville à São Paulo, Brésil

Bidonville à São Paulo, Brésil

Soutenable ? Au Congo, la mégapole de Kinshasa - 10 millions d'habitants - ne possède pas le moindre système de tout-à-l'égout. Au Kenya, une journaliste de Nairobi décrit ainsi la technique dite des "missiles Scud": "Les gens mettent leurs déchets dans un sac plastique et les jettent par la fenêtre, sur le toit le plus proche ou dans la rue". De loin en loin, autour des bidonvilles de New Delhi, de Bombay ou de Bangalore, ville symbole de l'Inde qui "brille" et s'enrichit, les autorités ont eu la prévoyance de construire des toilettes publiques. "Les gens défèquent tout autour des toilettes, parce que les fosses sont bouchées depuis des mois ou des années", raconte l'écrivain Suketu Mehta dans Maximum City. 


Blâmer la démographie galopante ou la déraison politique ?

Le monde compterait plus de 200 millions de paysans sans terre. Les travailleurs informels - sans droits, mais pas sans patrons - représentent environ les deux cinquièmes de la population active des pays en voie de développement, d'après un rapport de l'administration des Nations unies chargée du logement. Les auteurs de ce rapport publié en 2003 sous le titre "Le défi des taudis" écrivent: "Au lieu d'être des centres de croissance et de prospérité, les villes sont devenues des décharges où l'on rejette une population excédentaire, travaillant dans des secteurs non qualifiés, non protégés".

Peut-on extraire de la misère ce sous-prolétariat en pleine expansion grâce au marché mondialisé et à la croissance économique ? Le revenu mondial moyen s'est accru de 3,1 % par an entre 2003 et 2007, juste avant la crise. Un rythme sans précédent dans l'histoire. A Luanda, capitale de l'Angola (croissance économique de 16 % en 2008 grâce aux revenus du pétrole et une population qui pourrait tripler d'ici à 2050), les habitants les plus chanceux du bidonville de Boavista habitent les baraques du sommet, juste en dessous de la corniche du Miramar. Deux reporters européens, Serge Enderlin et Serge Michel, racontent pourquoi: "C'est parce que les ambassades alignées là-haut leur déversent chaque nuit leurs poubelles sur la tête, dans lesquelles il y a de quoi manger et récupérer".

Bidonville à Caracas, Venezuela

Source: TerraEco n°7 Octobre 2009, Article de Matthieu Auzanneau

samedi 6 octobre 2012

Valse triste - Jean Sibelius (1865-1957)

Johan Julius Christian Sibelius , dit Jean Sibelius est un compositeur finlandais de musique classique, né à Hämeenlinna (Sud de la Finlande) en 1865.





Fils de médecin, Jean Sibelius entreprend des études de droit avant de se décider pour la carrière musicale. Il étudie à Helsinki, Berlin et Vienne avant de revenir dans son pays enseigner, à son tour, la théorie et le violon. Il fait partie du quatuor à cordes du Conservatoire.

Sibelius est né dans une famille suédophone, ce qui ne l’empêche pas d’être parfaitement bilingue. Il perd son père à deux ans. A sept ans, il excelle dans les improvisations. Dès dix ans, il compose une Goutte d’eau pour violon et violoncelle.

Il commence de réelles études musicales en 1881, en prenant des cours de violon avec Gustaf Levander, le chef de la musique militaire. Il jouera par la suite dans un quatuor à cordes à Hämeenlinna. En 1882, un traité d'harmonie que lui offre sa tante Evelina, la conduit vers la composition.

Il obtient son bac à 19 ans, se fiance avec Aïno Järnefelt, qui lui donnera six filles et une charge bien lourde de père de famille qui lui demandera des oeuvres de commande. Son éducation musicale a lieu aussi bien en Finlande qu’à l’étranger, en premier lieu à Vienne, à Berlin, qui est sa seconde patrie, où il retournera avec fréquence, où les éditeurs le presseront de composer, et où Strauss le dirige dès 1904.

Le génie de Sibelius trouve son expression principalement dans les symphonies et les poèmes symphoniques. Plus que le piano, son instrument de prédilection est le violon, qu’il saura si bien faire parler. Le gros de sa production concerne les années 1899-1925 où, cigare au bec, et très souvent jusqu’au petit matin, il rédige, entre enthousiasme lyrique et autocritique surhumaine, ses sept symphonies : la première (1899), la deuxième (1902), la troisième (1907), la quatrième, assez proche de l’expressionnisme européen, (1911), la cinquième, sans cesse retravaillée (1919), la sixième (1923), la septième (1924), courte et particulièrement ambitieuse, puisqu’elle veut tout concentrer en un mouvement, "in einem Satze".

Sibelius acquiert très rapidement une grande notoriété auprès des musiciens de son pays. Il sera considéré comme le plus grand compositeur finlandais de ce siècle. La musique qu'il écrit s'inspire de légendes nationales (notamment du Kalevala, la grande épopée finlandaise), et sa symphonie Finlandia créée en 1900, est son œuvre patriotique la plus célèbre et la plus émouvante. Tout en s'inspirant des chants traditionnels finlandais, il recrée des schémas mélodiques de la musique traditionnelle.

Après 1927 il cesse pratiquement de composer et se retire pour vivre paisiblement auprès de sa famille. Dernier représentant du romantisme nationaliste du 19ème siècle , Sibelius est resté à l'écart des développements modernes Il travaille à sa huitième symphonie quand il meurt à 91 ans, à Järvenpää, près d'Helsinki, le 20 septembre 1957.

Sibelius eut une vie foisonnante, riche en rencontres et en voyages. Que l’on songe seulement qu’il a pu au cours de sa vie rencontrer Johannes Brahms, Achille Claude Debussy ou encore Gustav Mahler... et bien plus tard entendre ses symphonies enregistrées par Thomas Beecham. Né dans le post romantisme et la fin du XIXe siècle, il verra émerger la modernité musicale, dont il sera l’un des représentant et même la musique contemporaine et l’atonalisme, qui le laisseront sceptique. Jean Sibelius s’impose aujourd’hui comme l’un des compositeurs majeurs du XXe siècle voire de l’histoire de la musique. Il a connu une formidable popularité, admiré dans le monde entier et considéré comme un héros national, une icône même en Finlande et dans les pays du nord.

Les principales œuvres de Sibelius sont ses sept symphonies (1899-1924) et les poèmes symphoniques En Saga (Une légende) (1892; révisé en 1901), le Cygne de Tuonela (1893), Finlandia (1899-1900), Nocturne et lever du soleil (1907), les Océanides (1914) et Tapiola (1926). Sibelius a également écrit un Concerto pour violon (1903), de la musique de chambre, de la musique chorale, ainsi que des pièces pour piano et des chansons.

Son œuvre la plus connue du grand public est, avec la Valse triste, tirée de la musique de scène Kuolema (La mort), op. 44 n° 1.


"Dehors, il neige, mais le printemps transparait. La vie s’éveille. Cette vie que j’aime tant,
sentiment dont tout ce que j’écris doit porter l’empreinte."
Jean Sibelius

"Ne fais pas attention à ce que dit la critique : on n'a jamais élevé une statue à un critique."
Jean Sibelius

"La musique de Sibelius est tellement hors de ce monde."
Herbert von Karajan

dimanche 30 septembre 2012

La naissance de la Vie

Formation du Système Solaire et de la Terre

Le Soleil et les planètes sont nés il y a quelque 4,6 milliards d'années d'un amas de poussières et de gaz: la "nébuleuse primitive". 

S' effondrant sur elle-même, la nébuleuse prit la forme d'un disque. La contraction de la matière en son centre, en portant la température à plus de dix millions de degrés, permit le déclenchement de réactions thermonucléaires et donna ainsi naissance à une étoile: le Soleil.

La Terre et les autres planètes du système solaire se formèrent alors par accrétion de matériaux du disque, agglomération progressive d'éléments de plus en plus gros, poussières, grains, cailloux, planétésimaux, qui entrant en contact restaient liés si leurs orbites et leurs vitesses n'étaient pas trop dissemblables (on parle aussi d'accrétion de nuages, de poussières, etc.).

Ce processus aurait duré quelques centaines de millions d'années. A l'origine, la Terre est une "boule incandescente" dont la croûte se solidifie lentement, laissant échapper par endroits le magma du manteau. Elle se boursoufle; l'eau et le gaz carbonique remontent vers la surface, entraînant avec eux la silice et les métaux légers tels que l 'aluminium, le calcium, le sodium et le potassium, donnant naissance aux granites des croûtes continentales.

L'âge de la Terre est déterminé par les rapports isotopiques des minerais de plomb sur Terre qui sont les mêmes que ceux trouvés dans les météorites datées de 4,5 milliards d'années. L’Uranium se désintègre en effet en donnant du Plomb 206 avec une demi-vie de 4,5 milliards d'années, ce qui signifie que 1g d'Uranium donnera 1/2 g de Plomb en 4,5 milliards d'années. Les plus anciennes roches sédimentaires actuellement connues et contenant des molécules de carbone d'origine biologique ont été trouvées dans l'Ouest du Groënland et sont datées de 3,850 milliards d'années. Un milliard d'années après sa création tumultueuse, notre planète abritait donc déjà une vie primitive et microscopique.

A notre connaissance, la Terre est la seule planète du système solaire où la vie soit apparue et se soit maintenue jusqu'à aujourd'hui .


Éléments de planétologie

On distingue huit objets "mobiles" visibles dans le ciel, les planètes parmi lesquelles les planètes dites externes, ou géantes ou gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune) qui représentent 99% de la masse planétaire du système solaire et qui sont réputées avoir peu évolué depuis leur individualisation à partir de la nébuleuse primitive et, les planètes internes ou telluriques.


Le cas de Pluton: Depuis sa découverte par l'astronome américain Clyde Tombaugh en 1930, Pluton était considérée comme la neuvième planète du système solaire. À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, de plus en plus d’objets similaires furent découverts dans le système solaire externe, en particulier Éris, légèrement plus grand et plus massif que Pluton. Cette évolution amena l’Union astronomique internationale (UAI) à redéfinir la notion de planète en août 2006, Cérès, Pluton et Éris étant depuis cette date classées comme des planètes naines. L’UAI a également décidé de faire de Pluton le prototype d’une nouvelle catégorie d’objet transneptunien. Suite à cette modification de la nomenclature, Pluton a été ajoutée à la liste des objets mineurs du système solaire.

La planète externe la plus massive et la plus proche de nous se nomme Jupiter. Son atmosphère a été étudiée à l'aide des sondes spatiales Pioneer 10 et 11 (en 1973) et Voyager 1 et 2 (en 1979) . Elle est composée de 99% de dihydrogène et d'hélium et de moins de 1% de méthane (CH4), d'ammoniac (NH3), d'acétylène (C2H2) et d'éthane (C2H6). Des traces infinitésimales d'autres corps ont été détectées, en particulier des traces d'eau (H2O) et de monoxyde de carbone (CO).

Les planètes internes, solides ou telluriques que sont Mercure, Vénus, la Terre et Mars, ne possèdent ni dihydrogène, ni hélium dans leur atmosphère, sinon en très faible quantité (0,1% pour la Terre actuellement). Mercure, la plus petite, est probablement aussi inactive sur le plan géologique que la Lune. Vénus, dont la taille est comparable à celle de la Terre, a une température interne très élevée et, Mars dont le diamètre mesure la moitié du diamètre terrestre ne semble plus très active au plan géologique. Ces planètes ont une masse trop faible pour posséder un champ gravitationnel suffisant et retenir ainsi les éléments gazeux les plus légers. De plus, le vent solaire et les rayonnements ultra-violets, à l'origine beaucoup plus importants que ceux qui se produisent actuellement, ont chassé ces gaz de la "banlieue" des planètes internes. Ils ont alors été captés et retenus par les planètes externes qui possèdent un champ gravitationnel important et qui sont plus éloignées du Soleil.

Certains chercheurs pensent qu'une partie du dihydrogène de l'atmosphère primordiale de notre planète se retrouve aujourd'hui sous forme combinée dans l'eau (H20) des océans. Des simulations informatiques révèlent que Jupiter sert de "bouclier gravitationnel" et protège la Terre qui, sans celui-ci, au cours de son histoire, aurait pu être heurtée par mille fois plus de comètes provenant des confins du système solaire. Si l'on admet que les comètes ont apporté une partie de l'eau des océans, la Terre serait en l'absence de ce "bouclier", complètement recouverte par un immense et unique océan.

La Terre est la seule planète du système solaire à posséder un satellite de la taille de la Lune. Ce satellite, quatre fois plus petit que la Terre, exerce de nombreuses influences sur la vie; il est par exemple la première cause des marées. Composée des mêmes éléments minéraux que ceux trouvés dans la croûte et le manteau de la Terre, la Lune se serait formée à la suite d'une collision gigantesque, qui se serait produite au tout début de l'histoire du système solaire, entre la toute jeune Terre et une protoplanète de la taille de Mars. En fait, les jeunes planètes ont partagé le système solaire avec un très grand nombre de planétésimaux résiduels, certains d'entre eux subsistant d'ailleurs aujourd'hui sous forme d'astéroïdes et de comètes.

Certains de ces objets, au cours du temps, ont heurté les planètes créant des cratères que l'on peut facilement observer sur la Lune. La Terre, plus volumineuse, est une cible importante qui a dû attirer nombre de ces objets, et si l'on ne dénombre aujourd'hui qu'une centaine de cratères encore visibles à sa surface, c'est que la majorité d'entre eux a été effacée par des processus géologiques tels que l'érosion.

Comète

L'environnement sur la terre primitive

Les conditions atmosphériques qui régnaient sur Terre il y a 4 milliards d'années étaient totalement différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui. Trois facteurs importants méritent d'être soulignés: la présence d'eau liquide, l'importance du volcanisme et la composition de l'atmosphère primitive.

L'eau

Il y a de l'eau presque partout dans le système solaire, mais la Terre est l'unique planète sur la surface de laquelle on trouve de l'eau à l'état liquide. La masse océanique sur Terre est considérable puisque sa surface totale est évaluée à 361 x 106 exp 6 km2 et sa profondeur moyenne à 3,8 km. Elle couvre 71% de la surface totale de la Terre. L'eau (H2O) est obtenue par combinaison des deux atomes réactifs H et O les plus répandus dans le cosmos. Mais l'eau liquide est rare. Elle existe uniquement dans des conditions restreintes de température et de pression. Les dimensions de la Terre et la distance qui la sépare du Soleil font que ces conditions sont réalisées. La présence d'eau liquide est sans aucun doute indispensable à l'apparition de la vie. Y a-t-il de l'eau ailleurs ? La question est décisive en Bioastronomie où l'on tente de découvrir une vie extraterrestre.



Le volcanisme

Les phénomènes volcaniques, très intenses au début de l'histoire géologique, sont produits par la chaleur provenant de la désintégration de substances radioactives à l'intérieur de la Terre. Cette désintégration devait constituer une source d'énergie importante sur la Terre primitive. L'étude des volcans actuels révèle que les principaux gaz rejetés sont l'eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), l'azote (N2) et des gaz soufrés (SO2 et H2S). Puisque la composition de la Terre n'a pas globalement changé depuis sa formation, les mêmes gaz ont dû être rejetés à l'origine. Puis, la vapeur d'eau s'est condensée en pluies qui ont formé peu à peu les océans, les autres gaz, restés présents dans les airs, ont alors formé la première atmosphère.




L'atmosphère primitive

Différents modèles d'atmosphère primitive qui s'appuient sur des données géologiques, géochimiques et astrophysiques ont été proposés. Le premier proposait une composition en gaz extrêmement hydrogénés comme le méthane, l'ammoniac et la vapeur d'eau. L'eau, les composés du carbone et l'azote ou l'ammoniac ont été libérés ensemble depuis l'intérieur de la Terre. Une atmosphère réductrice contenant ces éléments est stable indéfiniment tant qu'elle n'est pas soumise à un apport d'énergie. Par contre, il se forme des composés organiques complexes lorsque le mélange est violemment chauffé, irradié à la lumière UV, soumis à l'action de décharges électriques ou de toute autre forme d'énergie.

Un des arguments importants qui plaident en faveur d'une atmosphère primitive dépourvue d'oxygène moléculaire est apporté par les très grandes quantités de fer ferreux qui se sont déposées au cours des premiers temps du précambrien. On sait en effet que les dépôts minéraux formés dans des conditions réductrices contiennent du fer à l'état ferreux Fe2+ et non du fer ferrique Fe3+ qui se forme en présence d'oxygène libre.



Dans ce scénario, l'oxygène atmosphérique (à l'état libre) serait donc apparu après les premiers êtres vivants en liaison avec leur activité photosynthétique, ce qui implique que la vie a dû apparaître dans un environnement anaérobie c'est-à-dire dépourvu d'oxygène.

L'analyse d'enclaves gazeuses des roches archéennes, des dépôts sédimentaires carbonatés, tels que ceux de la série Warrawoona datant de 3,5 milliards d'années, a cependant fait privilégier l'hypothèse d'une atmosphère primitive moins réductrice. Une atmosphère, dite secondaire se serait formée pendant et après le refroidissement de la planète, grâce au volcanisme et par dégazage progressif de la croûte et du manteau. La formation de la ceinture gazeuse serait donc en relation directe avec l'activité volcanique ancienne. A l'origine, les volcans ont dû rejeter de grandes quantités de gaz qui contribuèrent à former la première atmosphère faite de dioxyde de carbone (provenant de la décomposition des carbures métalliques), de vapeur d'eau (libérée des minéraux hydratés), de dioxyde de soufre et de gaz sulfureux. On y trouvait également de petites quantités d'oxyde de carbone, de méthane, de sulfures et d'azote...

En outre, les jeunes étoiles produisent des rayonnements ultraviolets 10 000 fois plus intenses que ceux du rayonnement solaire actuel. Ces rayons ont pu provoquer une photo-dissociation partielle et précoce des molécules d'eau et d'oxyde de carbone. De l'oxygène d'origine chimique était ainsi disponible dans l'atmosphère et des molécules d'ozone (O3) ont pu se former. Une faible quantité d'oxygène a pu apparaître aux alentours de 4 milliards d'années dans l'atmosphère terrestre, avant les toutes premières manifestations d'activité biologique.

Enfin, dès que la température de la croûte s'est trouvée en dessous du point critique de 100°C, de grands volumes d'eau se sont accumulés par condensation pour former les océans. Il y a 4 milliards d'années, le Soleil ne dispensait que 75% de l'énergie actuelle. Ce déficit énergétique aurait dû entraîner une glaciation de la Terre. I1 fut compensé par un fort effet de serre lié à la présence d'importantes quantités de dioxyde de carbone, ce qui a permis le maintien de l'eau liquide.

C'est donc dans ces conditions extrêmes que la vie a dû faire ses "premiers pas" et, telle que nous la connaissons aujourd'hui. elle est le résultat d'une évolution d'à peu près 4 milliards d'années. Elle n'a plus qu'une ressemblance superficielle avec les premiers systèmes vivants... C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles on en trouve si peu de traces et que l'on a tant de difficultés à les imaginer.


Les plus anciennes traces de vie

La période dite archéenne s'étend jusque vers 2,5 milliards d'années. La Terre était alors peuplée de micro-organismes dont les premières traces fossiles ont été trouvées dans les stromatolithes (du grec "lit de pierres").

La vie a pu s'installer sur la Terre primitive environ 800 millions d'années après sa formation. Les plus anciennes roches sédimentaires contenant du carbone d'origine biologique datées de 3,850 milliards d'années, ont été découvertes récemment sur l'île d'Akilia au sud-ouest du Groënland dans des roches métamorphiques anciennes surplombant des couches sédimentaires. Le carbone organique, piégé dans les sédiments, est identifiable grâce au rapport des deux isotopes stables du carbone le 12 C et le 13C.

Les plus anciens micro-fossiles, vieux de plus de 3 milliards d'années, ont été découverts dans les parties silicifiées de structures macroscopiques stratifiées en lamelles irrégulières, les stromatolithes. Des structures similaires se rencontrent encore de nos jours dans certaines mers chaudes et salées. Elles sont recouvertes de tapis bactériens, constitués essentiellement de cyanobactéries. Procaryotes au métabolisme photosynthétique, elles se forment par l'accumulation de particules détritiques et de carbonate de calcium, CaCO3, dont le dépôt est provoqué par la photosynthèse. L'observation des stromatolithes modernes de la Baie des Requins en Australie occidentale et de stromatolithes localisés dans le Transvaal en Afrique du Sud montre que ces monticules calcaires sont constitués de plusieurs couches empilées qui ne sont autres que les restes fossilisés des plus anciennes formes vivantes qui nous soient parvenues. Les plus simples des micro-fossiles précambriens présentent d'ailleurs des similitudes frappantes avec les cyanobactéries.

Stromatolithes, Hamelin Pool, Baie des Requins, Australie

Le grand développement des stromatolithes à l'époque précambrienne a permis le stockage, sous forme de carbonate, d'une grande partie du dioxyde de carbone de l'atmosphère primitive. Les premières formations stromatolithiques, apparues dès la période archéenne sont particulièrement abondantes jusqu'à 1 milliard d'années. William Schopff a décrit des gisements d'associations de Procaryotes photoautotrophes, producteurs d'oxygène qui datent de 3,5 milliards d'années.

D'autres traces fossiles d'organismes vivants ont été identifiées dans des roches vieilles de 3 milliards d'années. C'est le cas de la formation Fig Tire qui renferme des structures sphériques ou ovales, des traces de filaments, ainsi que des molécules de pristane et de phytane pouvant provenir de la rupture de molécules de chlorophylle.

De fait, dès 2,5 milliards d'années, les stromatolithes sont très abondants. des formes de vie anaérobies ont laissé leurs traces sous forme d'un enrichissement des sédiments en isotope 32 du soufre. Même si les découvertes paléontologiques, dans les terrains précambriens, révèlent que pendant 3 milliards d'années, les seuls êtres vivant sur notre planète furent des micro-organismes, une relative diversification existait déjà sur la Terre. Le degré de complexité atteint par ces structures, proches morphologiquement de Procaryotes actuels témoigne d'une longue évolution et il est légitime de penser que la vie a pris naissance aux alentours de 3,8 à 3,85 milliards d'années. Cependant, en l'absence de témoignages fossiles directs sur les processus et les structures originelles, nous devons chercher des éléments de réponse dans les caractéristiques actuelles du vivant.

Ghislain de Marsily - L'origine de l'eau sur Terre - Source: Neopadia.com


Source: La Naissance de la Vie, De l'évolution prébiotique à l'évolution biologique.
Marie-Christine Maurel, Professeur à l'université Pierre et Marie Curie - Paris 6 et chercheur à l'Institut Jacques Monod.

vendredi 21 septembre 2012

Melencolia 1 - Albrecht Dürer (1471-1528)

Albrecht Dürer (1471-1528) est originaire de Nüremberg. Peintre et surtout graveur, il propulse la gravure sur bois mais surtout la gravure sur cuivre, art nouveau pour l'époque, à un niveau encore jamais dépassé aujourd'hui. Il voyagea à de nombreuses reprises aux Pays-Bas et en Italie et fut influencé par les artistes qu'il y rencontra. C'est un homme de la Renaissance, il est d'ailleurs un des premiers artistes à avoir acquis une réputation personnelle. Le nombre d'autoportraits qu'il a réalisés montre bien son détachement de l'art médiéval, même si l'influence du gothique reste forte chez lui, surtout au début de sa carrière.

Melencolia 1 - Albrecht Dürer, 1514, gravure au burin sur papier vergé

Lié à l'Humanisme, Dürer est aussi un théoricien, intéressé par les mathématiques et la géométrie euclidienne qu'il étudie en vue de travailler la perspective dans ses œuvres - mais aussi par l'anatomie, les sciences naturelles... Par tous ces aspects, il est proche de Léonard de Vinci.  Le goût d'Albrecht Dürer pour les mathématiques se retrouve dans la gravure Melencolia.

Il semble que Dürer ait puisé son sujet dans "De occulta philosophia" de Heinrich Agrippa Von Nettesham (1510). Sans doute connaissait-il aussi les textes de Marsile Ficin. Pour le Moyen Age, quatre "humeurs" seraient responsables des tempéraments humains: le sang, la bile jaune, le phlegme et la bile noire ou mélancolie, au sens étymologique. Ces humeurs sont associées aux saisons, aux quatre âges de l'homme, aux éléments. C'est surtout la mélancolie qui a retenu l'attention, considérée comme une manifestation du génie auquel elle ouvre les portes de l'imagination. La mélancolie est ensuite considérée comme un état dépressif qui enlève à l'artiste son enthousiasme, et les astrologues de la Renaissance pensent que le carré magique peut servir de traitement.

Cette extraordinaire gravure est une œuvre aux graphismes extrêmement fins et précis qui joue sur tous les degrés de gris très contrastés, du noir au blanc. La Melencolia intègre, de manière synthétique, une multiplicité d'éléments dont les commentateurs s'accordent à reconnaître la forte prégnance symbolique (compas, sablier, balance, polyèdre, sphère, carré védique, meule, athanor, tenailles, clous, chien, ange, échelle à 7 degrés, arc-en-ciel, chérubin, rabot... ). Ces éléments, représentés séparément, s'appellent les uns avec les autres pour composer un ensemble symbolique complexe et dont les résonances semblent susceptibles d'interprétations inépuisables et indéfinies.

Voici un angle d'interprétation pour cette œuvre très particulière :

-  Les outils sont au pied du personnage central. Il les a abandonnés, preuve que celui ci est passé du stade opératif au stade spéculatif, c’est-à-dire qu’il est passé du travail sur la matière au travail sur son esprit. Mais ces outils sont aussi symboles des champs du savoir de l’époque. La géométrie, redécouverte à la Renaissance, est peut-être le premier d’entre eux.

-  Un polyèdre, chef d’œuvre de l’art de la perspective, l’art de construire, est présent dans le paysage de désolation. On peut y voir comme "un besoin d’ordonner le chaos du monde, mais sans parvenir à le rendre intelligible."

-  Un chien est endormi au pied de l’ange : il symbolise la part d’animalité dans l’homme, enfouie dans l’inconscient. Sa neutralisation permet l’accès à la spiritualité.

-  Les clefs accrochées à la ceinture montrent la puissance, la bourse évoque la richesse.

-  L’angelot symbolise l’innocence perdue de l’enfance, le mythe du paradis perdu. Proche du personnage central, il en est quasiment la projection spirituelle. Mais son attitude studieuse (il écrit) montre que dès l’enfance le travail doit être élevé comme vertu. Ses ailes sont le pendant de celles du personnage central : elles symbolisent l’aspiration à la spiritualité par opposition à la lourdeur du corps. La mélancolie peut elle être transcendée par la satisfaction du travail bien fait ? et le bonheur de la découverte d’un monde de fraternité insoupçonné du profane ?

- L’échelle (à sept marches) n’est-elle pas une allégorie d’un parcours ascensionnel de l’âme à travers le verticalité de la perpendiculaire, telle qu’on la retrouve déjà dans la Genèse ? « Voici qu’était dressée sur terre une échelle dont le sommet touchait le ciel ; des anges de Dieu y montaient et y descendaient »

- A gauche, on peut voir le creuset et les pincettes de l’alchimiste qui purifie la matière impure, métaphore du processus spirituel en cours chez le génie mélancolique ? Les objets présents ne sont-ils pas les objets qui attendent le réveil du génie souffrant ?

-  Une chauve-souris emporte le titre de la gravure. Si on arrange les lettres du mot « Melencolia », on peut trouver « limen caelo » ou « porte vers le ciel », image que l’on retrouve sur le blason familial de Dürer.


Le carré magique

C'est un concept très ancien qui semble originaire d'Inde et de Chine, 2000 ans avant Jésus-Christ; on le retrouve chez les Arabes et des mathématiciens comme Fermat et Euler s'y sont intéressés. Sa propriété a fasciné: l'addition des nombres de chaque ligne, chaque colonne et chaque diagonale donnent le même résultat (34, dans le cas de cette oeuvre). On lui a prêté un caractère ésotérique, d'autant plus que le 3 et 4 sont des chiffres particulièrement importants en alchimie, le 3 symbolisant la vie du monde physique et le 4, celle de l'esprit. On remarquera également que les deux cases centrales de la dernière ligne indiquent la date de création de l'oeuvre.