dimanche 30 septembre 2012

La naissance de la Vie

Formation du Système Solaire et de la Terre

Le Soleil et les planètes sont nés il y a quelque 4,6 milliards d'années d'un amas de poussières et de gaz: la "nébuleuse primitive". 

S' effondrant sur elle-même, la nébuleuse prit la forme d'un disque. La contraction de la matière en son centre, en portant la température à plus de dix millions de degrés, permit le déclenchement de réactions thermonucléaires et donna ainsi naissance à une étoile: le Soleil.

La Terre et les autres planètes du système solaire se formèrent alors par accrétion de matériaux du disque, agglomération progressive d'éléments de plus en plus gros, poussières, grains, cailloux, planétésimaux, qui entrant en contact restaient liés si leurs orbites et leurs vitesses n'étaient pas trop dissemblables (on parle aussi d'accrétion de nuages, de poussières, etc.).

Ce processus aurait duré quelques centaines de millions d'années. A l'origine, la Terre est une "boule incandescente" dont la croûte se solidifie lentement, laissant échapper par endroits le magma du manteau. Elle se boursoufle; l'eau et le gaz carbonique remontent vers la surface, entraînant avec eux la silice et les métaux légers tels que l 'aluminium, le calcium, le sodium et le potassium, donnant naissance aux granites des croûtes continentales.

L'âge de la Terre est déterminé par les rapports isotopiques des minerais de plomb sur Terre qui sont les mêmes que ceux trouvés dans les météorites datées de 4,5 milliards d'années. L’Uranium se désintègre en effet en donnant du Plomb 206 avec une demi-vie de 4,5 milliards d'années, ce qui signifie que 1g d'Uranium donnera 1/2 g de Plomb en 4,5 milliards d'années. Les plus anciennes roches sédimentaires actuellement connues et contenant des molécules de carbone d'origine biologique ont été trouvées dans l'Ouest du Groënland et sont datées de 3,850 milliards d'années. Un milliard d'années après sa création tumultueuse, notre planète abritait donc déjà une vie primitive et microscopique.

A notre connaissance, la Terre est la seule planète du système solaire où la vie soit apparue et se soit maintenue jusqu'à aujourd'hui .


Éléments de planétologie

On distingue huit objets "mobiles" visibles dans le ciel, les planètes parmi lesquelles les planètes dites externes, ou géantes ou gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune) qui représentent 99% de la masse planétaire du système solaire et qui sont réputées avoir peu évolué depuis leur individualisation à partir de la nébuleuse primitive et, les planètes internes ou telluriques.


Le cas de Pluton: Depuis sa découverte par l'astronome américain Clyde Tombaugh en 1930, Pluton était considérée comme la neuvième planète du système solaire. À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, de plus en plus d’objets similaires furent découverts dans le système solaire externe, en particulier Éris, légèrement plus grand et plus massif que Pluton. Cette évolution amena l’Union astronomique internationale (UAI) à redéfinir la notion de planète en août 2006, Cérès, Pluton et Éris étant depuis cette date classées comme des planètes naines. L’UAI a également décidé de faire de Pluton le prototype d’une nouvelle catégorie d’objet transneptunien. Suite à cette modification de la nomenclature, Pluton a été ajoutée à la liste des objets mineurs du système solaire.

La planète externe la plus massive et la plus proche de nous se nomme Jupiter. Son atmosphère a été étudiée à l'aide des sondes spatiales Pioneer 10 et 11 (en 1973) et Voyager 1 et 2 (en 1979) . Elle est composée de 99% de dihydrogène et d'hélium et de moins de 1% de méthane (CH4), d'ammoniac (NH3), d'acétylène (C2H2) et d'éthane (C2H6). Des traces infinitésimales d'autres corps ont été détectées, en particulier des traces d'eau (H2O) et de monoxyde de carbone (CO).

Les planètes internes, solides ou telluriques que sont Mercure, Vénus, la Terre et Mars, ne possèdent ni dihydrogène, ni hélium dans leur atmosphère, sinon en très faible quantité (0,1% pour la Terre actuellement). Mercure, la plus petite, est probablement aussi inactive sur le plan géologique que la Lune. Vénus, dont la taille est comparable à celle de la Terre, a une température interne très élevée et, Mars dont le diamètre mesure la moitié du diamètre terrestre ne semble plus très active au plan géologique. Ces planètes ont une masse trop faible pour posséder un champ gravitationnel suffisant et retenir ainsi les éléments gazeux les plus légers. De plus, le vent solaire et les rayonnements ultra-violets, à l'origine beaucoup plus importants que ceux qui se produisent actuellement, ont chassé ces gaz de la "banlieue" des planètes internes. Ils ont alors été captés et retenus par les planètes externes qui possèdent un champ gravitationnel important et qui sont plus éloignées du Soleil.

Certains chercheurs pensent qu'une partie du dihydrogène de l'atmosphère primordiale de notre planète se retrouve aujourd'hui sous forme combinée dans l'eau (H20) des océans. Des simulations informatiques révèlent que Jupiter sert de "bouclier gravitationnel" et protège la Terre qui, sans celui-ci, au cours de son histoire, aurait pu être heurtée par mille fois plus de comètes provenant des confins du système solaire. Si l'on admet que les comètes ont apporté une partie de l'eau des océans, la Terre serait en l'absence de ce "bouclier", complètement recouverte par un immense et unique océan.

La Terre est la seule planète du système solaire à posséder un satellite de la taille de la Lune. Ce satellite, quatre fois plus petit que la Terre, exerce de nombreuses influences sur la vie; il est par exemple la première cause des marées. Composée des mêmes éléments minéraux que ceux trouvés dans la croûte et le manteau de la Terre, la Lune se serait formée à la suite d'une collision gigantesque, qui se serait produite au tout début de l'histoire du système solaire, entre la toute jeune Terre et une protoplanète de la taille de Mars. En fait, les jeunes planètes ont partagé le système solaire avec un très grand nombre de planétésimaux résiduels, certains d'entre eux subsistant d'ailleurs aujourd'hui sous forme d'astéroïdes et de comètes.

Certains de ces objets, au cours du temps, ont heurté les planètes créant des cratères que l'on peut facilement observer sur la Lune. La Terre, plus volumineuse, est une cible importante qui a dû attirer nombre de ces objets, et si l'on ne dénombre aujourd'hui qu'une centaine de cratères encore visibles à sa surface, c'est que la majorité d'entre eux a été effacée par des processus géologiques tels que l'érosion.

Comète

L'environnement sur la terre primitive

Les conditions atmosphériques qui régnaient sur Terre il y a 4 milliards d'années étaient totalement différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui. Trois facteurs importants méritent d'être soulignés: la présence d'eau liquide, l'importance du volcanisme et la composition de l'atmosphère primitive.

L'eau

Il y a de l'eau presque partout dans le système solaire, mais la Terre est l'unique planète sur la surface de laquelle on trouve de l'eau à l'état liquide. La masse océanique sur Terre est considérable puisque sa surface totale est évaluée à 361 x 106 exp 6 km2 et sa profondeur moyenne à 3,8 km. Elle couvre 71% de la surface totale de la Terre. L'eau (H2O) est obtenue par combinaison des deux atomes réactifs H et O les plus répandus dans le cosmos. Mais l'eau liquide est rare. Elle existe uniquement dans des conditions restreintes de température et de pression. Les dimensions de la Terre et la distance qui la sépare du Soleil font que ces conditions sont réalisées. La présence d'eau liquide est sans aucun doute indispensable à l'apparition de la vie. Y a-t-il de l'eau ailleurs ? La question est décisive en Bioastronomie où l'on tente de découvrir une vie extraterrestre.



Le volcanisme

Les phénomènes volcaniques, très intenses au début de l'histoire géologique, sont produits par la chaleur provenant de la désintégration de substances radioactives à l'intérieur de la Terre. Cette désintégration devait constituer une source d'énergie importante sur la Terre primitive. L'étude des volcans actuels révèle que les principaux gaz rejetés sont l'eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), l'azote (N2) et des gaz soufrés (SO2 et H2S). Puisque la composition de la Terre n'a pas globalement changé depuis sa formation, les mêmes gaz ont dû être rejetés à l'origine. Puis, la vapeur d'eau s'est condensée en pluies qui ont formé peu à peu les océans, les autres gaz, restés présents dans les airs, ont alors formé la première atmosphère.




L'atmosphère primitive

Différents modèles d'atmosphère primitive qui s'appuient sur des données géologiques, géochimiques et astrophysiques ont été proposés. Le premier proposait une composition en gaz extrêmement hydrogénés comme le méthane, l'ammoniac et la vapeur d'eau. L'eau, les composés du carbone et l'azote ou l'ammoniac ont été libérés ensemble depuis l'intérieur de la Terre. Une atmosphère réductrice contenant ces éléments est stable indéfiniment tant qu'elle n'est pas soumise à un apport d'énergie. Par contre, il se forme des composés organiques complexes lorsque le mélange est violemment chauffé, irradié à la lumière UV, soumis à l'action de décharges électriques ou de toute autre forme d'énergie.

Un des arguments importants qui plaident en faveur d'une atmosphère primitive dépourvue d'oxygène moléculaire est apporté par les très grandes quantités de fer ferreux qui se sont déposées au cours des premiers temps du précambrien. On sait en effet que les dépôts minéraux formés dans des conditions réductrices contiennent du fer à l'état ferreux Fe2+ et non du fer ferrique Fe3+ qui se forme en présence d'oxygène libre.



Dans ce scénario, l'oxygène atmosphérique (à l'état libre) serait donc apparu après les premiers êtres vivants en liaison avec leur activité photosynthétique, ce qui implique que la vie a dû apparaître dans un environnement anaérobie c'est-à-dire dépourvu d'oxygène.

L'analyse d'enclaves gazeuses des roches archéennes, des dépôts sédimentaires carbonatés, tels que ceux de la série Warrawoona datant de 3,5 milliards d'années, a cependant fait privilégier l'hypothèse d'une atmosphère primitive moins réductrice. Une atmosphère, dite secondaire se serait formée pendant et après le refroidissement de la planète, grâce au volcanisme et par dégazage progressif de la croûte et du manteau. La formation de la ceinture gazeuse serait donc en relation directe avec l'activité volcanique ancienne. A l'origine, les volcans ont dû rejeter de grandes quantités de gaz qui contribuèrent à former la première atmosphère faite de dioxyde de carbone (provenant de la décomposition des carbures métalliques), de vapeur d'eau (libérée des minéraux hydratés), de dioxyde de soufre et de gaz sulfureux. On y trouvait également de petites quantités d'oxyde de carbone, de méthane, de sulfures et d'azote...

En outre, les jeunes étoiles produisent des rayonnements ultraviolets 10 000 fois plus intenses que ceux du rayonnement solaire actuel. Ces rayons ont pu provoquer une photo-dissociation partielle et précoce des molécules d'eau et d'oxyde de carbone. De l'oxygène d'origine chimique était ainsi disponible dans l'atmosphère et des molécules d'ozone (O3) ont pu se former. Une faible quantité d'oxygène a pu apparaître aux alentours de 4 milliards d'années dans l'atmosphère terrestre, avant les toutes premières manifestations d'activité biologique.

Enfin, dès que la température de la croûte s'est trouvée en dessous du point critique de 100°C, de grands volumes d'eau se sont accumulés par condensation pour former les océans. Il y a 4 milliards d'années, le Soleil ne dispensait que 75% de l'énergie actuelle. Ce déficit énergétique aurait dû entraîner une glaciation de la Terre. I1 fut compensé par un fort effet de serre lié à la présence d'importantes quantités de dioxyde de carbone, ce qui a permis le maintien de l'eau liquide.

C'est donc dans ces conditions extrêmes que la vie a dû faire ses "premiers pas" et, telle que nous la connaissons aujourd'hui. elle est le résultat d'une évolution d'à peu près 4 milliards d'années. Elle n'a plus qu'une ressemblance superficielle avec les premiers systèmes vivants... C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles on en trouve si peu de traces et que l'on a tant de difficultés à les imaginer.


Les plus anciennes traces de vie

La période dite archéenne s'étend jusque vers 2,5 milliards d'années. La Terre était alors peuplée de micro-organismes dont les premières traces fossiles ont été trouvées dans les stromatolithes (du grec "lit de pierres").

La vie a pu s'installer sur la Terre primitive environ 800 millions d'années après sa formation. Les plus anciennes roches sédimentaires contenant du carbone d'origine biologique datées de 3,850 milliards d'années, ont été découvertes récemment sur l'île d'Akilia au sud-ouest du Groënland dans des roches métamorphiques anciennes surplombant des couches sédimentaires. Le carbone organique, piégé dans les sédiments, est identifiable grâce au rapport des deux isotopes stables du carbone le 12 C et le 13C.

Les plus anciens micro-fossiles, vieux de plus de 3 milliards d'années, ont été découverts dans les parties silicifiées de structures macroscopiques stratifiées en lamelles irrégulières, les stromatolithes. Des structures similaires se rencontrent encore de nos jours dans certaines mers chaudes et salées. Elles sont recouvertes de tapis bactériens, constitués essentiellement de cyanobactéries. Procaryotes au métabolisme photosynthétique, elles se forment par l'accumulation de particules détritiques et de carbonate de calcium, CaCO3, dont le dépôt est provoqué par la photosynthèse. L'observation des stromatolithes modernes de la Baie des Requins en Australie occidentale et de stromatolithes localisés dans le Transvaal en Afrique du Sud montre que ces monticules calcaires sont constitués de plusieurs couches empilées qui ne sont autres que les restes fossilisés des plus anciennes formes vivantes qui nous soient parvenues. Les plus simples des micro-fossiles précambriens présentent d'ailleurs des similitudes frappantes avec les cyanobactéries.

Stromatolithes, Hamelin Pool, Baie des Requins, Australie

Le grand développement des stromatolithes à l'époque précambrienne a permis le stockage, sous forme de carbonate, d'une grande partie du dioxyde de carbone de l'atmosphère primitive. Les premières formations stromatolithiques, apparues dès la période archéenne sont particulièrement abondantes jusqu'à 1 milliard d'années. William Schopff a décrit des gisements d'associations de Procaryotes photoautotrophes, producteurs d'oxygène qui datent de 3,5 milliards d'années.

D'autres traces fossiles d'organismes vivants ont été identifiées dans des roches vieilles de 3 milliards d'années. C'est le cas de la formation Fig Tire qui renferme des structures sphériques ou ovales, des traces de filaments, ainsi que des molécules de pristane et de phytane pouvant provenir de la rupture de molécules de chlorophylle.

De fait, dès 2,5 milliards d'années, les stromatolithes sont très abondants. des formes de vie anaérobies ont laissé leurs traces sous forme d'un enrichissement des sédiments en isotope 32 du soufre. Même si les découvertes paléontologiques, dans les terrains précambriens, révèlent que pendant 3 milliards d'années, les seuls êtres vivant sur notre planète furent des micro-organismes, une relative diversification existait déjà sur la Terre. Le degré de complexité atteint par ces structures, proches morphologiquement de Procaryotes actuels témoigne d'une longue évolution et il est légitime de penser que la vie a pris naissance aux alentours de 3,8 à 3,85 milliards d'années. Cependant, en l'absence de témoignages fossiles directs sur les processus et les structures originelles, nous devons chercher des éléments de réponse dans les caractéristiques actuelles du vivant.

Ghislain de Marsily - L'origine de l'eau sur Terre - Source: Neopadia.com


Source: La Naissance de la Vie, De l'évolution prébiotique à l'évolution biologique.
Marie-Christine Maurel, Professeur à l'université Pierre et Marie Curie - Paris 6 et chercheur à l'Institut Jacques Monod.

vendredi 21 septembre 2012

Melencolia 1 - Albrecht Dürer (1471-1528)

Albrecht Dürer (1471-1528) est originaire de Nüremberg. Peintre et surtout graveur, il propulse la gravure sur bois mais surtout la gravure sur cuivre, art nouveau pour l'époque, à un niveau encore jamais dépassé aujourd'hui. Il voyagea à de nombreuses reprises aux Pays-Bas et en Italie et fut influencé par les artistes qu'il y rencontra. C'est un homme de la Renaissance, il est d'ailleurs un des premiers artistes à avoir acquis une réputation personnelle. Le nombre d'autoportraits qu'il a réalisés montre bien son détachement de l'art médiéval, même si l'influence du gothique reste forte chez lui, surtout au début de sa carrière.

Melencolia 1 - Albrecht Dürer, 1514, gravure au burin sur papier vergé

Lié à l'Humanisme, Dürer est aussi un théoricien, intéressé par les mathématiques et la géométrie euclidienne qu'il étudie en vue de travailler la perspective dans ses œuvres - mais aussi par l'anatomie, les sciences naturelles... Par tous ces aspects, il est proche de Léonard de Vinci.  Le goût d'Albrecht Dürer pour les mathématiques se retrouve dans la gravure Melencolia.

Il semble que Dürer ait puisé son sujet dans "De occulta philosophia" de Heinrich Agrippa Von Nettesham (1510). Sans doute connaissait-il aussi les textes de Marsile Ficin. Pour le Moyen Age, quatre "humeurs" seraient responsables des tempéraments humains: le sang, la bile jaune, le phlegme et la bile noire ou mélancolie, au sens étymologique. Ces humeurs sont associées aux saisons, aux quatre âges de l'homme, aux éléments. C'est surtout la mélancolie qui a retenu l'attention, considérée comme une manifestation du génie auquel elle ouvre les portes de l'imagination. La mélancolie est ensuite considérée comme un état dépressif qui enlève à l'artiste son enthousiasme, et les astrologues de la Renaissance pensent que le carré magique peut servir de traitement.

Cette extraordinaire gravure est une œuvre aux graphismes extrêmement fins et précis qui joue sur tous les degrés de gris très contrastés, du noir au blanc. La Melencolia intègre, de manière synthétique, une multiplicité d'éléments dont les commentateurs s'accordent à reconnaître la forte prégnance symbolique (compas, sablier, balance, polyèdre, sphère, carré védique, meule, athanor, tenailles, clous, chien, ange, échelle à 7 degrés, arc-en-ciel, chérubin, rabot... ). Ces éléments, représentés séparément, s'appellent les uns avec les autres pour composer un ensemble symbolique complexe et dont les résonances semblent susceptibles d'interprétations inépuisables et indéfinies.

Voici un angle d'interprétation pour cette œuvre très particulière :

-  Les outils sont au pied du personnage central. Il les a abandonnés, preuve que celui ci est passé du stade opératif au stade spéculatif, c’est-à-dire qu’il est passé du travail sur la matière au travail sur son esprit. Mais ces outils sont aussi symboles des champs du savoir de l’époque. La géométrie, redécouverte à la Renaissance, est peut-être le premier d’entre eux.

-  Un polyèdre, chef d’œuvre de l’art de la perspective, l’art de construire, est présent dans le paysage de désolation. On peut y voir comme "un besoin d’ordonner le chaos du monde, mais sans parvenir à le rendre intelligible."

-  Un chien est endormi au pied de l’ange : il symbolise la part d’animalité dans l’homme, enfouie dans l’inconscient. Sa neutralisation permet l’accès à la spiritualité.

-  Les clefs accrochées à la ceinture montrent la puissance, la bourse évoque la richesse.

-  L’angelot symbolise l’innocence perdue de l’enfance, le mythe du paradis perdu. Proche du personnage central, il en est quasiment la projection spirituelle. Mais son attitude studieuse (il écrit) montre que dès l’enfance le travail doit être élevé comme vertu. Ses ailes sont le pendant de celles du personnage central : elles symbolisent l’aspiration à la spiritualité par opposition à la lourdeur du corps. La mélancolie peut elle être transcendée par la satisfaction du travail bien fait ? et le bonheur de la découverte d’un monde de fraternité insoupçonné du profane ?

- L’échelle (à sept marches) n’est-elle pas une allégorie d’un parcours ascensionnel de l’âme à travers le verticalité de la perpendiculaire, telle qu’on la retrouve déjà dans la Genèse ? « Voici qu’était dressée sur terre une échelle dont le sommet touchait le ciel ; des anges de Dieu y montaient et y descendaient »

- A gauche, on peut voir le creuset et les pincettes de l’alchimiste qui purifie la matière impure, métaphore du processus spirituel en cours chez le génie mélancolique ? Les objets présents ne sont-ils pas les objets qui attendent le réveil du génie souffrant ?

-  Une chauve-souris emporte le titre de la gravure. Si on arrange les lettres du mot « Melencolia », on peut trouver « limen caelo » ou « porte vers le ciel », image que l’on retrouve sur le blason familial de Dürer.


Le carré magique

C'est un concept très ancien qui semble originaire d'Inde et de Chine, 2000 ans avant Jésus-Christ; on le retrouve chez les Arabes et des mathématiciens comme Fermat et Euler s'y sont intéressés. Sa propriété a fasciné: l'addition des nombres de chaque ligne, chaque colonne et chaque diagonale donnent le même résultat (34, dans le cas de cette oeuvre). On lui a prêté un caractère ésotérique, d'autant plus que le 3 et 4 sont des chiffres particulièrement importants en alchimie, le 3 symbolisant la vie du monde physique et le 4, celle de l'esprit. On remarquera également que les deux cases centrales de la dernière ligne indiquent la date de création de l'oeuvre.

dimanche 16 septembre 2012

Galatée - Gustave Moreau (1826-1898)

Dans la mythologie grecque, Galatée est une des Néréides (nymphe marine), fille de Nérée et de Doris. Elle habite un rivage de la Sicile. Son nom signifie: "à la peau blanche comme le lait".

Gustave Moreau - Galatée (1896), Musée Gustave Moreau, Paris


Dans les versions les plus courantes de la légende, elle aima et fut aimée du berger Acis. Mais ce dernier fut victime de la jalousie du cyclope Polyphème, également amoureux de Galatée mais disqualifié par ses traits monstrueux. Polyphème, ayant surpris les deux amants, arracha un rocher de l'Etna et le précipita sur Acis. Galatée, voyant des filets de sang sourdre sous le rocher, les changea en rivière, afin de pouvoir s'y baigner tous les jours. Cette version fut chantée par Théocrite dans sa onzième Idylle.

Dans ses Métamorphoses, Ovide développe la légende, qui sera reprise par de nombreux poètes, comme un des exemples de l'amour non partagé conduisant à la folie destructrice. Une autre version de la légende, où Polyphème séduit finalement Galatée par son talent à jouer de la syrinx, aura moins de succès.

La légende d'Acis et Galatée a plus tard inspiré nombre d'artistes - poètes, peintres, musiciens ... parmi lesquels Gustave Moreau...