samedi 25 octobre 2014

Quelle est votre vision du monde ?

Le marchand de verre était assis à la porte de la ville. Il regardait le soleil à travers l’une de ses dernières créations…  un prisme magique où il suffisait de plonger le regard pour que ressurgisse le passé dans toute sa vérité. Un jeune homme s’approcha de lui:

- Bonjour vieil homme. Je suis étranger, je voudrais m’installer dans cette ville. Dis-moi, comment sont les gens d’ici ?

Le marchand de verre lui répondit par une autre question:

– Regarde dans ce prisme étranger.Que vois-tu ?
– Je… je vois des gens. De méchantes gens, des hommes et des femmes plein de hargnes, égoïstes et méchants. Si je suis parti, c’est à cause d’eux.

Alors le vieillard repris le prisme et dit:

– Passe ton chemin étranger. Ici, les gens sont tout aussi méchants et égoïstes les uns que les autres !

Le soleil était sur le point de se coucher. Et le vieux marchand regardait les rayons se déformer dans son prisme magique quand un jeune homme s’approcha de lui.

– Bonjour. Je débarque en ces lieux. Pouvez vous me dire comment sont les gens de cette ville ?

Pour toute réponse, le vieil homme tendit le prisme à l’étranger.

– Que vois-tu jeune voyageur ?
– Je vois d’honnêtes gens, bons et accueillants. Là où je vivais, je n’avais que des amis. Oh ! c’est vrai, j’ai eu bien de la peine à les quitter!
– Alors, mon ami, entre et installe-toi sans crainte dans cette ville. Ses habitants sauront te faire oublier la douleur du premier exil. Tu seras reçu comme un roi et jamais tu ne songeras à repartir. Ce prisme magique m’a montré qui tu étais… et moi, je viens de te dire la vérité.

Chacun porte en son cœur son propre univers et le retrouve en tous lieux. Si vous vous ouvrez aux autres, votre regard sur le monde sera changé. Une attitude positive entraîne une vision positive du monde qui vous entoure. Le malheur existe bien sûr, mais il n’est pas plus répandu que le bonheur. Il n’y a pas de fatalité, pas de condamnation à vie: nous vivons ce que nous méritons de vivre. Parfois c’est dur… Mais c’est rassurant, car c’est juste.

"Le bonheur n’est pas une récompense mais une conséquence. La souffrance n’est pas une punition mais un résultat". Robert Ingersoll


Wojtek Siudmak - Couverture pour "L'Appel de Cthulhu" August Derleth - H.P. Lovecraft, Ed Pocket

mardi 14 octobre 2014

Scanner ses livres

Le scan maison : un vrai phénomène de société. Cette pratique en développement consiste à numériser les exemplaires papiers que l'on possède pour en profiter aussi sous forme numérique. Voilà une tendance qui doit faire frémir les éditeurs du monde entier : le scan des livres papier effectué par les utilisateurs eux-mêmes. Non seulement les particuliers numérisent eux-mêmes leurs propres livres papier, mais des sociétés se créent pour répondre à une importante demande.

Faire soi-même ses propres ebooks est donc une tendance qui prend de l’ampleur, au point que les ventes de scanners auraient explosé. Les utilisateurs n’hésitent pas à détruire leurs livres en les coupant avant la reliure pour avoir une suite de pages. Les ventes de massicots ont d’ailleurs explosé en même temps que les ventes de scanners. Equipé d’un scanner multi-pages, il suffit ensuite de mettre son « livre » dans le réservoir et le scan s’effectue page par page sans intervention humaine.


Pourquoi faire ses propres livres ? 

Certains évoquent la mauvaise qualité des fichiers ePub que l'on trouve dans le commerce (2 à 3% sont de très mauvaise qualité, 20 à 30 % des fichiers comportent des erreurs qui rendent la lecture parfois difficile). 

Souvent, dans ces fichiers, la police n'est pas adaptée et est bloquée, alors qu'on devrait pouvoir la changer à la volée. Souvent, les changements de pages sont laborieux : nécessitant parfois d'attendre plusieurs minutes pour passer de la couverture au premier chapitre. Les retours chariots n'apparaissent pas sur les fichiers, alors que transformés en ePub, ils peuvent générer des espacements qui rendent la lecture pénible. Des polices de caractères trop lourdes, des feuilles de styles surchargés... trop de lignes de codes... La raison de ces lourdeurs peut s’expliquer par le fait que les éditeurs n'ont pas l'habitude de travailler sur ces formats. Ils savent corriger un fichier Word ou InDesign pour faire un livre, mais pas pour faire un bon ePub. 

Au-delà d'un désir de perfection, il y a également une autre motivation. Celle de devoir conserver plusieurs milliers de livres papier dans une bibliothèque. Cela prend de la place ! Enfin, bien sûr, il n’est pas facile de trouver les versions ebooks de ses livres papier (surtout les anciens). D’autres raisons créent ce besoin, comme des prix élevés, des problèmes de copyright et de protection numériques de fichier.

Comment numériser ?

La numérisation personnelle commence d'abord par une numérisation. Pour cela, trois méthodes sont possibles. Utiliser un scanner à plat classique, un appareil photo numérique ou un scanner à chargeur vertical.

Le scanner à plat

Le Scanner à plat est bon marché, il ne détruit pas les livres, mais il a deux défauts. Il est lent, très lent (il faut manipuler le livre pour chaque page) et il provoque des déformations et ombrages sur la page scannée ce qui rend le passage d'un logiciel OCR, permettant de faire de la reconnaissance de caractère, parfois un peu plus difficile. Le temps moyen pour scanner un livre de 300 pages via cette méthode est de 3 à 4 heures.

L’appareil photo numérique

L'utilisation d'un appareil photo numérique nécessite un peu de préparation, parce qu'il faut être deux pour l’opération. Le plus pratique est encore de construire un support pour rendre l'opération possible. 

Pour numériser 300 pages, il faut là de 45 minutes à 1 heure. Mais demain, certaines techniques permettront d'aller encore plus vite. Le souci c'est d'éliminer la déformation des pages et les ombrages que génère la photographie. Mais il existe des logiciels qui savent corriger ces déformations (ScanTailor, Omnipage et Abbyy FineReader).

Le scanner à chargeur vertical (le scan destructif)

Enfin, il y a le scanner à chargeur,. Le scan est rapide et très propre. L'inconvénient est qu'il est destructif, puisqu'il faut détruire la tranche du livre. On « massicote » le livre pour avoir une série de feuilles, qu’on va alors introduire dans le chargeur de documents d’un scanner conçu pour scanner en masse (comme on en trouve dans les entreprises). On perd donc le livre, et en contrepartie, plus la peine de passer des heures à tourner les pages à la main. 

Le système de la coupe permet aussi d’avoir des pages parfaitement droites. La qualité est parfaite. Il n'y a pas de déformation. On peut ainsi scanner 300 pages en 15 minutes.

Le scan effectué par des entreprises spécialisées….

Au Japon, aux Etats-Unis, la demande est tellement forte que des entreprises sont venues à la rescousse des particuliers pour proposer le scan des ebooks. On en compterait déjà une soixantaine. 

Corriger et encore corriger

Mais la numérisation ne fait pas tout. D'abord parce qu'elle génère des erreurs, ensuite, parce que comme dans tout processus d'édition, il est nécessaire de ne pas s'en tenir aux machines.
Une fois qu'on a numérisé le livre en un ensemble d'images des pages, il faut le passer dans un logiciel de reconnaissance optique des caractères (Abbyy FineReader, Omnipage Pro, Read iris). Si le PDF sait désormais conserver le texte de l'image scannée, il ne permet pas de créer un fichier souple, adaptable à tous supports. En récupérant le seul texte, via ces logiciels OCR, on peut créer des formats de sortie multiples : .doc, .html, .pdf, .epub, .mobi... Les logiciels open source dans le domaine sont encore peu performants par rapport aux logiciels propriétaires. Souvent la reconnaissance de caractère se passe bien, notamment pour les notes de bas de page, qui sont de mieux en mieux reconnues et bien intégrables.

Bien sûr, l'OCR n'est jamais parfait non plus. Il produit des coquilles liées à une mauvaise reconnaissance ou à des défauts du support papier originel. Les "Il" deviennent des 11. Les "e" ont tendance à être transformés en "c". Passer un logiciel OCR prend en moyenne 20 minutes pour 300 pages. Mais il faut ensuite le corriger. 

Utiliser des Macros pour chercher-remplacer les erreurs les plus courantes. Il faut également supprimer les styles générés automatiquement, mettre le document en forme, créer un squelette simple qu'il faudra appliquer (avec des styles permettant de baliser les chapitres et de générer une table des matières : ce qui est souvent rare sur les ePub du commerce). Bref, il faut nettoyer et préparer la copie pour pouvoir la relire. Il faut appliquer des macros pour faire des vérifications automatiques typographiques (gérer les espaces insécables, remplacer les trois petits points (qui ne forment qu'un caractère) par des vrais trois petits points (3 caractères). Ces macros sont partagées et améliorées par la communauté des scanneurs de livres. Elles pourraient servir à bien des éditeurs pour nettoyer les fichiers Word d'auteurs ! Le plus souvent, il faut passer le texte dans 3 à 4 macros, certaines très spécialisées, sachant par exemple corriger les problèmes liés aux listes de dialogues, d'autres permettant de baliser les gras et les italiques...

Il faut encore vérifier les insécables, les apostrophes... Faire passer la correction orthographique de Word en jugeant de son application avec attention, parce qu'il y a des oeuvres où les fautes sont voulues par l'auteur et des tournures que Word ne sait pas comprendre, comme quand on fait parler un personnage bègue par exemple. Comme dans l'édition traditionnelle, ce travail nécessite une relecture humaine... d'où le besoin d'un aspect communautaire, de relecture et de relecteurs. 

Enfin, il faut passer à la génération multiformat, le plus souvent via le logiciel Calibre. On peut ensuite générer une distribution OPDS de son catalogue de livre, sur un serveur, pour qu'ils soient accessibles depuis Stanza sur iPhone ou Aldiko sur Androïd, et accéder ainsi à ses livres de partout, depuis une simple connexion 3G ou Wi-Fi.

En tant qu'amateurs ou auteurs, via cet ensemble d'outils, on peut avoir accès à un cycle de diffusion complet. Rééditer un livre numérique de manière artisanale, mais sérieuse ne prend qu'une journée de travail. Sans expertise, sans payer des fortunes des développeurs spécialisés, sans vouloir faire des choses trop compliquées... C'est accessible. C'est propre.


Un risque de « contagion » ?

Si l’offre légale ne se constitue pas ou si elle n’est pas intéressante, ce genre de solution se développera. L’expérience montre à quel point les consommateurs peuvent être ingénieux lorsqu’ils veulent quelque chose et que personne n’est là pour répondre à la demande.

Dans notre pays à la fois champion des lois pour le livre numérique et champion du piratage (n’y voyons pas de cause à effet), il est presque certain que l’on ne permettra pas que des entreprises numérisent des livres papier pour en faire des ebooks, mais aussi que ce genre de solution pourrait se développer, dans un but un peu différent : partager les fichiers. A l’ère numérique, Le pire ennemi de l’édition pourrait donc finalement prendre la forme d’un scanner capable de scanner tout seul un ouvrage entier, et à un prix accessible pour le grand public.

Une communauté active

La communauté est active. Elle partage et améliore sans cesse ses macros. Calibre est mis à jour en moyenne toutes les 2 semaines. Elle est parfois plus attentive que les auteurs et éditeurs à leurs erreurs. L'édition à du mal à savoir intégrer les corrections post-impression. Combien de livres de poche, même parmi les classiques, comportent encore des fautes reproduites d'édition en édition, parfois depuis des dizaines d'années, alors que celles-ci ont sûrement été signalées aux éditeurs de multiples fois…

La relecture est le travail le plus long, et il y a peu d'outils permettant de faire ce travail de manière collaborative. Si des particuliers peuvent avoir de meilleurs rendus que les professionnels, cela signifie que de petits éditeurs peuvent aussi utiliser ces techniques. C'est juste quelques heures de travail. Le support numérique n'est pas réservé à des professionnels ou à de grosses entreprises.


Le phénomène n'est pas nouveau. Il y a 10 ans, nombreux étaient ceux qui scannaient en mode pure texte. Le fonds de classiques de Gutenberg s'est constitué ainsi, via une communauté de partage, où les gens scannaient voire retranscrivaient les grands classiques de la littérature. Aujourd'hui, la communauté est renouvelée par des femmes au foyer, qui lisent beaucoup, qui se sont fait offrir un reader et qui commencent à scanner certains livres auxquels elles tiennent. Ainsi que par des retraités qui veulent disposer de livres qu'ils conservent dans une maison secondaire par exemple... 

Hors BD, la communauté comporte peu d'adolescents ou de geek, comme on le croit trop souvent. On y trouve plutôt des gens âgés, retraités, des femmes... Ceux qui viennent lire des livres numérisés sur des plateformes de partage sont d'ailleurs plutôt des adultes que des jeunes.

Bien sûr, beaucoup de ces livres sont numérisés sans autorisation des auteurs et éditeurs. Dans le cadre d'une copie privée, cela est d'ailleurs tout à fait légal. Le problème c'est quand ces livres entrent dans des circuits de partages en ligne…

samedi 4 octobre 2014

La crise planétaire - Extrait de la Voie - Edgar Morin (1921-)

La crise de l’unification


L’unification techno-économique du globe coïncide dès 1990 avec des dislocations d’empires et de nations : dislocation de l’Union soviétique, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, pulsions multiples d’ethnies vers des micros nations, tout cela dans le déchaînement des identités nationales, ethniques, religieuses. D’où le développement d’un chaos en même temps que celui d’une interdépendance croissante. La coïncidence n’est pas fortuite, au contraire. Elle s’explique :

a) Par les résistances nationales, ethniques, culturelles à l’homogénéisation civilisationnelle et à l’occidentalisation. 

b) Par la perte du futur déterminée par l’effondrement d’un Progrès conçu comme Loi du devenir humain et l’accroissement des incertitudes et menaces du lendemain. Ainsi dans la perte du futur, la précarité et l’angoisse du présent, s’opèrent les reflux vers le passé c’est-à-dire les racines culturelles, ethniques, religieuses, nationales.

En même temps, et en dépit de l’hégémonie techno-économico-militaire des Etats-unis se développe un monde multipolaire dominé par de grands blocs aux intérêts à la fois coopératifs et conflictuels, où les crises multiples augmentent à la fois les nécessités de coopération et les risques de conflit. D’où le caractère à la fois Un et Pluriel de la globalisation. Ainsi la globalisation subit sa propre crise de globalité, qui à la fois unit et désunit, unifie et sépare.


Les poly-crises

La globalisation ne fait pas qu’entretenir sa propre crise. Son dynamisme provoque de multiples crises à l’échelle planétaire :

— crise de l’économie mondiale, dépourvue de véritables dispositifs de régulation.

— crise écologique, issue de la dégradation croissante de la biosphère, qui elle-même va susciter de nouvelles crises économiques sociales et politiques.

— crise des sociétés traditionnelles, désintégrées par les processus d’occidentalisation.

— crise de la civilisation occidentale, où les effets négatifs de l’individualisme et des compartimentations détruisent les anciennes solidarités, où un mal-être psychique et moral s’installe au sein du bien être matériel, où se développent les intoxications consuméristes des classes moyennes, où se dégrade la sous-consommation des classes démunies, où s’aggravent les inégalités.

— crises démographiques produites par les surpopulations des pays pauvres, les baisses de population des pays riches, le développement des flux migratoires de misère et leur blocage en Europe.

— crise des villes devenues mégapoles asphyxiées et asphyxiantes, polluées et polluantes, où les habitants sont soumis à d’innombrables stress, où d’énormes ghettos pauvres se développent et où s’enferment les ghettos riches.


— crise des campagnes devenant déserts de monocultures industrialisées, livrées aux pesticides, privés de vie animale, et camps de concentration pour l’élevage industrialisée producteurs de nourritures détériorées par hormones et antibiotiques.

— crise de la politique encore incapable d’affronter la nouveauté et l’ampleur des problèmes.

— crise des religions écartelées entre modernisme et intégrisme, incapables d’assumer leurs principes de fraternité universelle.

— crise des laïcités de plus en plus privées de sève et corrodées par les recrudescences religieuses.

— crise de l’humanisme universaliste qui, d’une part, se désintègre au profit des identités nationales-religieuses et, d’autre part, n’est pas encore devenu humanisme planétaire respectant le lien indissoluble entre l’unité et la diversité humaines.

La crise du développement

L’ensemble de ces multiples crises interdépendantes et interférentes est provoqué par le développement, qui est encore considéré comme la voie de salut pour l’humanité.

Le développement a, certes, suscité sur toute la planète des zones de prospérité selon le modèle occidental et il a déterminé la formation de classes moyennes accédant aux standards de vie de la civilisation occidentale. Il a, certes, permis des autonomies individuelles délivrées de l’autorité inconditionnelle de la famille, permettant les mariages choisis et non plus imposés, des libertés sexuelles, des loisirs nouveaux, la consommation de produits inconnus, la découverte d’un monde étranger magique, y compris sous l’aspect du Mc Donald et du Coca-Cola, et il a suscité de grandes aspirations démocratiques. Il a apporté aussi, au sein des nouvelles classes moyennes, les intoxications consuméristes propres aux classes moyennes occidentales ainsi que l’insatiabilité de besoins toujours nouveaux.
  

   
Mais le développement a aussi créé d’énormes zones de misère, ce dont témoignent les ceintures démesurées de bidonvilles qui auréolent les mégapoles d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine. Comme l’a dit Majid Rahnema, la misère y chasse la pauvreté des petits paysans ou artisans qui disposent d’une relative autonomie en disposant de leurs polycultures ou de leurs outils de travail. Le développement a détruit les antiques solidarités, produit de nouvelles corruptions partout où il s’est propagé.

Le moteur du développement est techno-économique. Il propulse la locomotive qui doit entraîner les wagons du bien-être, de l’harmonie sociale, de la démocratie. Il est compatible avec les pires dictatures pour qui le développement économique comporte l’esclavagisation des travailleurs et la répression policière.

La conception techno-économique du développement ne connaît que le calcul comme instrument de connaissance : calcul de croissance, calcul de PIB, calcul du revenu individuel. Il ignore non seulement les activités non monétarisées comme les productions de subsistance, les services mutuels, l’usage de biens communs, la part gratuite de l’existence, mais aussi et surtout ce qui ne peut être calculé la joie, l’amour, la souffrance, c’est-à-dire le tissu même de nos vies.

Le développement est une formule standard appliquée aux nations et cultures très diverses sans tenir compte de leur singularité, ni surtout des qualités en savoirs, savoir-faire, arts de vivre que comportent ces cultures. Il constitue un véritable ethnocide pour les petits peuples indigènes sans États.

Enfin, si l’on considère que le développement et la globalisation sont les moteurs l’un de l’autre, alors toutes les crises que nous avons énumérées peuvent être considérées comme des crises issues du développement, c’est-à-dire en fait les crises du développement lui-même.

La conscience de la crise du développement n’est arrivée que de façon partielle, insuffisante et limitée à la problématique écologique, ce qui a conduit à attendrir la notion de développement en lui accolant l’épithète « durable ». Mais l’os demeure.

La crise de l’humanité

La globalisation, l’occidentalisation, le développement sont les trois faces du même dynamisme qui produit une pluralité de crises interdépendantes et enchevêtrées, et qui elles-mêmes produisent la crise de la globalisation, celle de l’occidentalisation, celle du développement. L’ensemble de ces crises constitue une gigantesque crise planétaire. La gigantesque crise planétaire n’est autre que la crise de l’humanité qui n’arrive pas à accéder à l’humanité…

Edgar Morin - Emission "Ce soir ou jamais" de Frédéric Taddei 26/01/2011