jeudi 29 janvier 2015

Notre civilisation est celle du feu

Notre civilisation est basée sur le feu. L’utilisation du feu est le propre de l'homme. Sa domestication, il y a 400 000 ans, a conduit à la création de la société humaine qui s'organisa autour du foyer. Le feu a déclenché le lent perfectionnement des outils et des techniques qui a permis l’émergence des premiers matériaux comme les terres cuites, les métaux, les hauts-fourneaux, la chimie, la machine à vapeur, le moteur à explosion, la production d'électricité, le moteur à réaction. Depuis les époques les plus reculées, le feu est le grand moteur de la civilisation. 

Pourquoi ?  Parce qu’avec le feu, nous produisons notre énergie…. Et l’énergie entre directement en lien dans les différents fonctionnements socio-politique et socio-économique des hommes. Il existe des rapports directs entre les formes d'énergie, les types d'urbanisation, les modes de production, les rapports sociaux et les rapports entre l'humanité et la nature. La géopolitique de l'énergie, celle du pétrole et du nucléaire explique bien des conflits et bien des guerres….

Si le pétrole en tant qu'énergie est devenu indispensable dans les transports de toutes sortes, l'électricité (qu'elle soit d'origine hydraulique, thermique ou nucléaire qui est aussi thermique d'ailleurs) est devenue indispensable à la vie de tous les jours...


Nos productions d’énergie viennent du feu

Qu’est ce que l’énergie ? Une source d'énergie est un phénomène physique ou chimique dont il est possible d'exploiter l'énergie à des fins biophysiques  ou industrielles. Une source d'énergie est dite « primaire » si elle est issue d'un phénomène naturel et n'a pas été transformée ; elle est dite « secondaire » si elle est le résultat d'une transformation volontaire. 

Les combustibles fossiles, charbon, pétrole, gaz naturel, sont utilisés pour produire de la chaleur, de l'électricité ou pour alimenter des moteurs thermiques. Ces combustibles sont issus de la décomposition de matières organiques, donc de la biomasse, c'est-à-dire de l’action du soleil. Leur stock est donné une fois pour toute pour notre planète.

L’énergie de la biomasse (bois, biocarburants, etc),  est majoritairement récupérée par combustion. L'énergie solaire est transformée par l'homme en énergie thermique. Il en est de même pour l’énergie magnétique, qui produit un courant électrique.

Les énergies hydrauliques et éoliennes, à la base mécaniques, sont exploitées par l’homme via des turbines. Elles font à nouveau appel aux technologies des moteurs. L'énergie géothermique, extraite du sol à l'aide d'une pompe à chaleur pour produire de l'électricité ou de la chaleur n’échappe pas à cette règle.  L’énergie nucléaire, enfin, provient de la fission nucléaire, elle aussi issue d’une transformation thermique…

Tout notre système énergétique repose sur le feu… Et nous sommes en train de nous apercevoir que le défi environnemental qui attend notre espèce dans les décennies à venir consiste à changer ce modèle énergétique, parce que lorsque nous jouons avec le feu, nous jouons avec le climat. La tâche est loin d’être facile à entreprendre…

Pourquoi ? Parce que nous avons besoin d’énergie. Elle permet la croissance, elle permet de changer et de transformer le monde qui nous entoure. 

L’énergie nous permet de transformer le monde qui nous entoure

Réfléchissons-y : A quoi sert une machine ? Qu’il s’agisse d’une pompe, d’un refrigérateur, d’un ordinateur ou d’une fraiseuse ? A transformer le monde. Un frigo transforme de l’air ambiant en air froid ; un téléphone transforme une voix en signal électrique ; une fraiseuse transforme un morceau de métal en pièce usinée, après avoir transformé du courant en mouvement; une pompe transforme de l’eau ici en eau là…

Il existe une unité de compte pour la transformation du monde : c’est l’énergie. Avant d’être des kilowattheures sur une facture, l’énergie est en effet, par définition en physique, la marque du changement d’état d’un système, et donc de la transformation de l’environnement. Tout changement de température, de vitesse, de forme, de composition chimique, de masse, de composition atomique, de position dans l’espace… demande ou fournit de l’énergie. De ce fait, transformer le monde qui nous entoure ou utiliser de l’énergie, c’est très exactement la même chose. Sans énergie, tout cela est impossible.

Le principe énoncé par Lavoisier sur la conservation de la matière s'applique en fait plus justement à l'énergie : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Ainsi toute « production » d'énergie est en fait une récupération par transformation de formes d'énergie dont l'origine est celle de l'univers.

Or l’énergie mise à la disposition de chaque Terrien a radicalement changé d’échelle en l’espace de quelques générations. En deux siècles, la population a été multipliée par dix, et la consommation d’énergie par personne par plus de dix. La pression sur les ressources de toute nature a donc augmenté d’un facteur cent en seulement deux cent ans, et cela commence à avoir des conséquences…

L’energie permet la croissance

La production d’énergie et la croissance sont intimement liées. Notre civilisation a connu des bons technologiques à chaque nouvelle énergie trouvée.

Bien qu’il y ait une légère perte à chaque conversion (ce que l’on appelle le rendement), nous transformons des énergies vers d’autres énergies afin de pouvoir les utiliser dans nos activités humaines de façon plus pratique.

Bien que le discours médiatique ambiant puisse laisser penser le contraire, nous vivons avec une énergie abondante et pas chère…

Cette énergie à profusion, est la véritable cause de la hausse de notre pouvoir d’achat. En tout bien tout honneur, elle a procuré à chaque Occidental la puissance mécanique d’une armée d’esclaves (plusieurs centaines à plusieurs milliers), qui exploitent désormais les ressources de la planète à un prix ridicule. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer l’énergie de nos pauvres muscles avec ce que les moteurs nous fournissent quotidiennement sans jamais ronchonner ni se mettre en grève.

En effet, quelle énergie un humain est-il capable de fournir avec son corps en une journée ? Une paire de jambes en plein effort peut fournir au maximum 0,3 à 0,4 kWh par jour, soit l’énergie nécessaire pour utiliser pendant 3 à 4 heures une ampoule de 100 watts. Une paire de bras utilisée au mieux restituera en une journée une énergie mécanique d’environ… 0,02 kWh,  tout juste de quoi fournir de quoi faire briller une ampoule de 20 watts pendant une heure !

Les mauvaises langues insinueront que si l’arrêt de l’esclavage a plus ou moins coïncidé avec l’avènement des machines et l’Ere Industrielle, cela n’est pas tout à fait un hasard…

Quoi qu’il en soit, si nous devions payer (même au SMIC) le travail mécanique humain sur une base de 8 heures par jour, alors le kilowattheure mécanique coûterait environ 200 à 300 euros… Charges salariales comprises… 

En comparaison, un moteur fournissant la même énergie pour la journée, utilisant de l’essence à 1 euro le litre, ne coûtera que quelques dizaines de centimes d’euros. L’utilisation d’électricité (qui dans le monde est produite aux deux tiers avec du gaz et du charbon) nous amène approximativement à la même valeur…

La conclusion, c’est que, pour tout travail mécanique, cela coûte mille à dix mille fois moins cher – et parfois même cent mille fois moins cher – d’utiliser un moteur que de recourir à du travail humain payé avec des salaires occidentaux. Même avec les « salaires de misère » octroyés dans les pays émergents, la machine reste considérablement plus compétitive que l’homme. 

Soit dit en passant, la mondialisation devient une conséquence attendue dans ce contexte. Avec un facteur 100 à 10 000 entre le coût du travail humain et celui de l’énergie fossile, aller chercher du travail moins cher de l’autre côté de la Terre est quasiment toujours une affaire rentable, quelle que soit la quantité d’énergie nécessaire pour transporter ensuite les marchandises.

La voici donc, la vraie raison du confort matériel dont nous bénéficions tous, tous les jours : les « esclaves énergétiques » ! S’il fallait fournir avec du travail humain les 60 000 kWh qu’un Français utilise directement ou indirectement chaque année pour tous ses usages (chauffage, transport et fabrication de tout ce qu’il consomme), chacun d’entre nous se retrouverait à la tête d’une armée de plusieurs centaines voire de plusieurs milliers d’« esclaves ». Même dans les pays dits « émergents », chaque citoyen a déjà à sa disposition l’équivalent de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’esclaves, ce qui le met très au-dessus de n’importe quel paysan européen d’il y a deux siècles…

N’en doutons plus : l’énergie permet le pouvoir d’achat et contribue à l’élévation du niveau de vie d’une société…

En résumé

Notre monde grâce au soleil, à l’écosystème planétaire, et à sa manne d’énergie fossile, vit dans une abondance énergétique. Nous utilisons le feu pour libérer cette énergie, et faisant cela, nous avons connu, depuis deux siècles, une croissance démographique, économique et financière sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Grâce à l’énergie nous changeons le monde, en bien, pour l’élévation de notre confort matériel et technologique, mais aussi en mal, avec les crises écologiques qui s’annoncent.

Pour conserver nos acquis, il nous faut sortir du schéma des énergies fossiles qui présentent un stock donné une fois pour toute pour notre planète. Même en revenant à une sobriété énergétique (ce qui paraît impossible), le futur de l’humanité s’annonce crucial du point de vue de l’énergie.

Article inspiré par le livre de Jean-Marc Jancovici "Changer le monde - Tout un programme !", Calmann-Lévy, mai 2011.

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